Papiers concernants les difficultés survenues à l'occasion de l'établissement de officiants du seigneur Abbé pour son tribunal supérieur à Salaz [Sala]


TIROIR 39 PAQUET TROISIEME


ANCIENNE CONSTITUTION DU TRIBUNAL DE SALAZ ET DES OFFICIANTS QUI LE COMPOSENT FORT IMPARFAITE. On peut prouver par tous les extraits que l'on a fait ci-dessus de plusieurs procédures criminelles depuis le commencement du 15e siècle jusqu'à présent que les Abbés établissoient toujours (indépendemment de ses officiants ordinaires de Grion) des juges supérieurs qui rendoient la justice à leurs noms, particulièrement dans les causes criminelles et aussi quelques fois dans les appelles des causes civiles en l'absence desdits Abbés ; mais ce tribunal supérieur qu'on appelle aujourd'hui le tribunal de l'Abbé ou la chambre de Salaz n'étoit point permanent et n'eut même jusqu'en 1723 rien d'absolument déterminé ni quand au nombre de ceux qui le composoient ni quand aux titres dont on les qualifioient ni quand aux lieux d'où on les choississoit et où ils siégeoien,t ni quand à leurs salaires, ni enfin même quand à celui qui les nommoit. En effet, comme on le voit dans les mêmes extraits sous les ducs de Savoye, un seul curial député par l'Abbé faisoit les examens et écrivoit la procédure sur les lieux et ensuitte la sentence étoit portée par le juge de l'Abbé, assisté sans doute des officiants ou jurés de Grion. Sous la domination de LL. EE. de Berne depuis 1542 les choses commencèrent à être un peu mieux réglées : l'Abbé établissoit surtout pour le criminel un juge à son nom qu'on appelloit simplement le juge de l'Abbé ou plutôt son lieutenant et ensuitte châtelain, il n'étoit point fixe ; pour chaque nouvelle cause il falloit ordinairement une nouvelle députation où l'on faisoit même un nouveau choix. Il étoit même assés indifférent de quel endroit il fut prit : tantôt il étoit d'Aigle, d'Ollon, de Bex, de Grion et tantôt de Saint-Maurice, tantôt catholique, tantôt protestant au moins jusqu'en 1665.

Il en étoit alors à peu près de même des assesseurs et du curial dudit juge dans les mêmes causes, sauf qu'on ne voit pas qu'on en ait jamais chosi hors des 4 mandemens d'Aigle. Au reste, il y en avoit tantôt plus, tantôt moins. Le plus souvent les assesseurs étoient les châtelains d'Aigle, de Bex, et d' Ollon, ou les principaux jurés de ces trois mandements etc., quelquesfois, on y ajoutoit le châtelain de Lavey, et celui de Grion avec ses jurés : il arrivoit même des fois, que le juge n'étoit assisté que des seuls officiants de Grion. On ne voit pas, que les honoraires dus aux différents membres de ce tribunal fussent fixés avant 1725 et il paroît qu'on suivoit alors les usages des autres tribunaux. Le lieu ordinaire, où siegeoit ce tribunal, étoit, comme elle l'est encore aujourd'hui, la maison de Salaz seigneuriale pour les deux jurisdictions de Grion et de Lavey, et où sont les prisons de l'Abbé, quoique l'exécution des criminels doive se faire, selon les anciens titres et les investitures des Abbés dans les deux lieux respectifs de Grion et de Lavey. Cet usage n'empêche cependant pas, que l'Abbé ne put exercer la justice, assembler son tribunal, et porter sentence dans les limites de l'une ou l'autre de ces jurisdictions, s'il le jugeoit à propos.

NOMINATION DES OFFICIANTS. La plus grande difficulté consistoit autresfois à savoir qui, ou l'Abb, ou le seigneur gouverneur d'Aigle avoit le droit de nommer, soit pour les causes criminelles, soit même pour les civiles, le juge, les assesseurs et le curial du tribunal de Salaz ? On ne croit pas d'abord qu'on puisse douter, que les Abbés n'ayent toujour nommé leurs châtelains de Salaz, comme il conste expressément par la plupart des procédures criminelles cottées cy-dessus et entre lesquels châtelains il y en a même souvent eu des catholiques et de Saint-Maurice au moins avant l'anée 1665.

Vide 1560, 1542, 1607, 1642, 1636 p. 34 et sqq.

39/3/1

Quand aux assesseurs et au curial, les jurés de Grion [Gryon] ont souvent servi en cette qualité (1542, 1560, 1566, 1607 et 1642 ibidem) et alors ce n'étoient sans doute pas les gouverneurs qui les nommoient. Plus ordinairement, surtout dans le 16. siècle, les assesseurs, et curial se prenoient parmi les châtelains et justituciers des 3 mandemens de la plaine ; mais c'étoient les Abbés qui les choisissoient et les demendoient au seigneur gouverneur qui ne faisoit le plus souvent que consentir à ce choix.

Il peut se faire cependant que quelques fois les Abbés ne faisoient que les requérir en général ou qu'on les requéroient à leurs noms des seigneurs gouverneurs qui en conséquence les nommoient. C'est ce qu'indique un mandat gouvernal de 1632, ici n°1 [19/3/1] et un autre de 1658 cotté p. 37.

Voyés sous le même n°1 [39/3/1] d'autres mandats des seigneurs gouverneurs sur le même sujet.

8 documents cotés :
CHA 39/3/1~01
CHA 39/3/1~02
CHA 39/3/1~03
CHA 39/3/1~04
CHA 39/3/1~05
CHA 39/3/1~06
CHA 39/3/1~07
CHA 39/3/1~08

 


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C'est apparement cette espèce d'usage des gouverneurs d'Aigle d'établir et députer des assesseurs à la requette des Abbés pour le tribunal de Salaz, sans qu'ils leurs fussent toujour nommément designés qui a donné lieu au commissaire Dubois d'insérer dans le quernet de 1666 fol. 3 cette clause où après avoir dit que l'Abbé a le droit d'incarcérer à Salaz les criminels de Grion, il ajoute " toutefois après la permission obtenue du seigneur gouverneur et ensuitte sont iceux criminels jugés et examinés par les juges et officiers de LL. EE. qu'un seigneur gouverneur nomme et établit pour ce fait.

Cet clause étoit fausse et très préjudiciable. Cependant les1ers abbés suivants ne parroissent pas avoir réclamé contre : ils continuoient à requérer des assesseurs dans les cas de besoin, des trois mandemens de la plaine et notamment l'abbé Franc ci-dessus p. 46 n°6.

39/3/2

Cette mauvaise pratique ambarassa l'abbé Camanis [Nicolas-François Camanis] qui en voyoit les conséquences. Il résolut cependant de s'y opposer ou au moins de l'interrompre à l'occasion d'un appel d'une sentence portée à Grion sur la fin de 1709, ainsi il refusa de requérir pour assesseurs les châtelains d'Aigle, de Bex et d'Ollon avec le curial gouvernal. Le seigneur gouverneur Ryhyner prétendit que l'Abbé devoit suivre la coutume de ses prédécesseurs et admettre lesdits châtelains et secrétaires. Il y eut diverses lettres écrites en l'an 1710 de part et d'autre à ce sujet que l'on peut voir ici n°2 [39/3/2] et même des mandats dudit gouverneur cottés pag.48 n°2. Rien ne fut decidé pour lors. L'appel fut renvoyé d'un commun consentement à Berne. Vide ibid p. 48.

7 documents cotés :
CHA 39/3/2
CHA 39/3/2~01
CHA 39/3/2~02
CHA 39/3/2~03
CHA 39/3/2~04
CHA 39/3/2~05
CHA 39/3/2~06

 

39/3/3

En 1713, le même Abbé, s'agissant d'établir le tribunal de Salaz pour la cause criminelle de la Rose Major, sans s'arrêter absolument à la pratique de quelques-uns de ses prédécesseurs, nomma lui-même, sous les réquisitoires du gouverneur, les châtelains d'Aigle et d'Ollon avec le secrétaire gouvernal pour vaquer à cette procédure conjointement avec le châtelain de Lavey et la justice de Grion. Mandat abbatial ici n°3 [39/3/3].

Voyés sous le même n°3 un mandat à peu près semblable de l'année 1715.

2 documents cotés :
CHA 39/3/3~01
CHA 39/3/3~02

La même chose à peu près se pratiqua par l'abbé Charléti en 1719 dans la cause criminelle de Michel et Pierre Mage où il nomma aussi tous ses officiants sous les réquisitoires du seigneur gouverneur, ci-dessus p. 39.

39/3/4

Malgré ce redressement de la conduitte des Abbés tolérée par les seigneurs gouverneurs, M. Tissot qui renouvella en 1720 les reconnoissances du château d'Aigle pour LL. EE. inséra de nouveau dans le quernet de l'Abbaye la susdite clause du commissaire Dubois qu'il trouva dans le précédant quernet de 1666, en sorte qu'à cette époque de 1720, le tribunal de Salaz n'avoit encore rien de bien consistant sauf en deux choses : la première qu'en conséquence de la deffense contenue dans les investitures des Abbés renouvellée en 1665 par une lettre expresse de LL. EE. cottée ici n°4 [39/3/4]. L'Abbé ne devoit choisir ses officiants qu'entre les sujets de LL. EE. La 2de étoit le lieu où devoit s'exercer la jurisdiction de l'Abbé rière Grion. On en a parlé cy-dessus p. 50.

Tel étoit l'état contentieux où se trouvoit le tribunal de Salaz [Sala] avant 1723.

1 document coté :
CHA 39/3/4

 

39/3/5

CONSTITUTION MODERNE DU TRIBUNAL DE SALAZ. M. l'abbé Charléti [Louis Nicolas Charléty] comprit bien que la répétition de la clause du quernet de l666 rapportée un peu au-dessus, insérée de nouveau dans celui de l72O pouvoit avoir dans la suitte de fâcheuses suittes. Pour y obvier il fit présenter par monsieur le procureur Claret à LL. EE. de Berne en l723 une supplique pour les prier de corriger cette clause du quernet stipulé par monsieur Dubois. On en peut voir les motifs dans la copie de cette supplique cottée ici n°5 [39/3/5].

1 document coté :
CHA 39/3/5

 

39/3/6

L'ABBE EN NOMME LES OFFICIANTS, MAIS NON CHOISIS HORS DU GOUVERNEMENT D'AIGLE. LL. EE. écoutèrent favorablement cette requête et par leur sentence du 6e février l723 décidèrent que l'Abbé et Chapitre pouvoient eux-mêmes établir les officiers et justiciers rière la jurisdiction de Grion relativement au sujet représenté, réservants uniquement que ces officiers et justiciers fussent choisis d'entre leurs sujets du bailliage, soit gouvernement d'Aigle.

Voyés cette sentence avec la copie en francois cottée ici n°6 [39/3/6]. Ladite supplique et cette sentence en françois se trouvent aussi à la fin du quernet de M. Tissot, corrigé à la marge fol. 3v quand à la susdite clause.

5 documents cotés :
CHA 39/3/6~01
CHA 39/3/6~02
CHA 39/3/6~03
CHA 39/3/6~04
CHA 39/3/6~05

 

39/3/8

M. Deslou, châtelain d'Aigle, d'intelligence avec M. le gouverneur Jenner, fit au mois d'avril l723 des représentations à LL. EE. pour faire révoquer leur susdite sentence du 6. février même année, prétendant que la clause insérée dans les quernets de l666 et l720 étoit bien fondée, et qu'en particulier l'office de châtelain de Salaz étoit selon l'usage attaché à sa qualité de châtelain d'Aigle. L'abbaye fut interpellée devant LL. EE. qui voulurent aussi entendre leur commissaire général. On ne trouve pas l'acte de la prononciation de LL. EE. sur cette nouvelle difficulté. Ce qu'il y de certain, est, que ladite sentence du 6. février l723 ne fut pas révoquée ; puisqu'elle eut sa pleine exécution le 8e janvier l725 come on vient de le voir au nombre précédent No 7 et depuis lors jusqu'à présent.

Voyés les mémoires présentés de part et d'autre dans cette occasion avec quelques autres papiers relatifs à cette affaire cottés ici sous le n°8.

14 documents cotés :
CHA 39/3/8~01
CHA 39/3/8~02
CHA 39/3/8~03
CHA 39/3/8~04
CHA 39/3/8~05
CHA 39/3/8~06
CHA 39/3/8~07
CHA 39/3/8~08
CHA 39/3/8~09
CHA 39/3/8~10
CHA 39/3/8~11
CHA 39/3/8~12
CHA 39/3/8~13
CHA 39/3/8~14

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Entre les autres griefs que ceux de Grion représentèrent l'année suivante 1724 à LL. EE. contre l'abbé Charléti et dont on parlera à l'article suivant pag.57, Ils se plaignirent aussi que quand aux officiants du tribunal de Salaz il n'y avoit rien de fixe ni quand à leurs personnes ni quand à leur nombre ni quand à leurs émoluments qu'ils tiroient trop exorbitants.

NOMBRE ET EMOLUMENT DE CES OFFICIANTS. Pour ce qui est du premier de ces griefs, on verra d'abord que l'Abbé y pourvut l'anée suivante. LL. EE. réglèrent le nombre et les émolumens des officiants en question à la fin de leur sentence portée le 22 avril 1724 au sujet des susdits griefs et cottée à l'art. suivant p. 57, n°4, litt. E en déclarant " que outre le président et le secrétaire, il ne doive y avoir que quatre assesseurs pour le plus, à chacun desquels on devra donner deux écus blancs et non plus par jour, d'intention cependant qu'ils ne prolongeront pas les appaux, et qu'on ne payera chacun d'iceux que pour un jour quoiqu'il fallusse employer plus de tems à les décider ".

Malgré ce réglement souverain touchant les émoluments desdits officiants, ceux de Grion n'ont pas laissé de murmurer qu'ils étoient fixés trop haut. Il en ont même fait un grief qu'ils ont inséré parmi les autres qu'ils ont représenté à LL. EE. en 1762 contre le mandat de l'abbé Claret publié en dite année pour l'imbannisation des bois de Grions qui a occasioné le procès dont on parlera au dernier article.

DUREE DE LEURS EMPLOIS. Dans les deux sentences susmentionnées Leurs Excellences n'ont point ordonné que les emplois du tribunal de Salaz dussent être à vie. Cependant les Abbés ont suivi jusqu'ici l'usage observé dans les mandemens de la plaine et l'abbé Charléti n'en a point fixé ni restraint la durée dans l'établissement général qu'il a fait de tous ces offices en 1725. Le 8e janvier.

39/3/7

Vide icy n°7 [39/3/7] le 1er établissement général de tous ces officiants et les subséquents en particulier.

6 documents cotés :
CHA 39/3/7~01
CHA 39/3/7~02
CHA 39/3/7~03
CHA 39/3/7~04
CHA 39/3/7~05
CHA 39/3/7~06