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REG 0/0/1/634

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IDENTIFICATION

Date début01.10.1227
Date de fin31.12.1227
CoteREG 634

CONTENU

ContenuEnquête dirigée contre l'évêque Aimon de Grandson. - Seize témoins sont entendus, savoir : 1° Aimon (d'Annecy), chanoine de Genève. 2° Hugues, prieur de Saint-Jean de Genève. 3° Ponce, curé de Ville (en Salaz). 4° Ponce de Scintrier, curé d'Arenthon (près La Roche). 5° Guillaume, économe (procurator) de Saint-Victor de Genève. 6° Aimon, curé d'Ochiaz (Michaille). 7° Anselme, curé de Pouilly (Pays de Gex). 8° Rodolphe de Briançon, chanoine de Genève et doyen de Ceysérieu (Valromey). 9° Bonfils, curé de Publier (Chablais). 10° Falcon, curé de Sciez (Chablais). 11° Michel, prieur de Cluses (?). 12° Girard, curé de Fessy (Chablais). 13° Albert de Grésy, chanoine de Genève. 14° Aimon de Gonville, chanoine de Genève. 15° Girod, prêtre à bénéfice (sacerdos mansonarius) de Viu (en Salaz). 16° Guillaume de Cloisey, curé de Mieussy (Faucigny). Ces témoins sont interrogés et répondent successivement sur treize articles concernant l'administration spirituelle et temporelle du diocèse. Pour chacun de ces chefs d'investigation, l'analyse ci-après signale les conclusions qui paraissent ressortir des réponses concordantes, les doutes provenant de quelques dépositions divergentes, et surtout les renseignements précis donnés par plusieurs témoins sur certains faits de l'histoire du pays et sur le genre de vie mené à cette époque par le clergé et les seigneurs. 1er art. Prédication, visites d'églises et autres fonctions spirituelles.- L'évêque ne manque ni de connaissances, ni de talent; il prêcherait, s'il voulait s'en donner la peine, d'une manière remarquable, et un sermon fait par lui au synode est signalé avec éloges ; mais ce sermon est le seul que plusieurs témoins aient entendu, car dès longtemps, l'évêque ne monte plus en chaire ; il a appelé depuis cinq ans environ les Frères prêcheurs qui ont, à deux ou trois reprises, parcouru le diocèse pour prêcher en faveur de la croisade et recevoir les confessions. L'évêque confère les ordres avec régularité ; il a souvent visité les Eglises, mais d'une manière incomplète, et seulement pour toucher ses redevances ; il montre la même inexactitude quant aux confessions et confirmations, renvoyant fréquemment les premières aux Frères prêcheurs, et n'imposant d'ailleurs que des pénitences pécuniaires qui ne produisent aucun amendement ; il commence quelquefois à confirmer, mais ne tarde pas à se lasser, et le curé de Ville dit qu'il y a dans sa paroisse des jeunes gens déjà grands (grandiusculi) qui n'ont pas été confirmés. Comme indication de négligence au point de vue spirituel, le quatorzième témoin raconte que Girard de Ferrères, l'un des serviteurs de l'évêque, a séduit la femme de Michel Pasteur et l'a tenue longtemps avec lui dans le château de l'évêque, ce que celui-ci ne pouvait ignorer, puisqu'il demeurait dans le même château. 2e art. Exercice de la Justice.- Elle était exercée précédemment soit par l'évêque, soit par les doyens, maintenant par l'évêque et par l'official ; ce dernier a été institué il y a deux ans environ, et tous s'accordent pour faire l'éloge de son zèle et de son exactitude à juger selon les canons. Quant à l'évêque lui-même, les dépositions ne sont pas concordantes : quelques témoins se disent satisfaits de ses jugements dans la cour (in curia) ; d'autres signalent sa négligence et sa partialité, ou se plaignent de dénis de justice. Le chanoine de Genève, Aimon de Gonville, dit n'avoir pas pu obtenir justice d'Amédée de Gex et d'autres malfaiteurs qui lui ont enlevé ses biens ; Albert de Grésy, chanoine, raconte que, lorsqu'il était doyen, il ordonna au curé de Gex, qui dépendait de lui, d'excommunier le même Amédée, mais que l'évêque s'y opposa; le curé de Fessy se plaint de ce que ayant été injustement dépouillé d'une dîme par un chevalier dont la femme était parente de l'évêque, celui-ci ne lui a point fait obtenir satisfaction; enfin le curé de Mieussy a vu ses bêtes enlevées de sa maison et du cimetière, mais l'interdit prononcé par les prêtres et le doyen contre le ravisseur, à teneur des statuts du synode, a été levé par l'évêque, et lorsque l'archevêque de Vienne, sur la plainte du curé, eut excommunié le voleur, ce dernier a été encore absous par l'évêque. 3me art. Surveillance et correction des prêtres vicieux. - Les témoins s'accordent à constater que l'évêque ne ferme point les yeux sur les désordres moraux du clergé, et qu'il punit les prêtres concubinaires, mais il le fait le plus souvent par de simples amendes, tandis que son prédécesseur les envoyait à Rome. Ces condamnations pécuniaires ne corrigent pas, et en effet six curés, ceux de Régnier, Trélex, Marignier, Arlod, Fessy et Dongy, sont signalés comme ayant payé des amendes et continuant à tenir des concubines. Quant à l'état général du diocèse au point de vue de la moralité des prêtres, quelques témoins, le comparant à ce qu'il était du temps de l'évêque Bernard, trouvent l'état actuel empiré; mais le curé de Pouilly estime que le clergé est amélioré, et ce qui le démontre, dit-il, c'est que presque tous les prêtres avaient alors des concubines, tandis qu'un petit nombre en a aujourd'hui. On signale en outre le luxe déployé par plusieurs prêtres dans leurs habits, notamment le port de capes à manches (cappae manicatae) ; mais on observe que cela a été défendu dans le synode, et que l'évêque en a puni quelques-uns. Il a aussi enjoint aux prêtres et clercs de ne pas fréquenter les danses et les tavernes. Enfin quelques témoins se plaignent de ce que les prêtres jouent aux échecs, aux dés et aux jeux de hasard. 4me art. Tenue des synodes.- Ces assemblées ont été réunies chaque année, sauf à deux reprises : une fois à cause des guerres, une autre fois à cause des dissensions entre l'évêque et le chapitre. L'évêque préside le synode tantôt en personne, tantôt par intermédiaire, quelquefois dans la cathédrale, le plus souvent ailleurs. On y lit les statuts du Concile (4e de Latran) et on en prescrit l'observation; chaque prêtre doit même en avoir la copie chez lui. Trois témoins (6e, 7e et 8e) sont interrogés spécialement sur l'observation, à Genève, d'un des décrets du Concile (le onzième), celui qui ordonne qu'il y ait un maître d'école enseignant gratis les pauvres. Il résulte de leurs réponses qu'il n'y en a pas, mais qu'un maître enseigne dans la ville pour de l'argent. Enfin un témoin (8e) affirme que plusieurs statuts du Concile ne sont pas observés, mais qu'il en est de même ailleurs. 5me art. Chasse. - L'évêque va fréquemment à la chasse aux oiseaux: les témoins, à l'exception d'un seul (10e) déclarent qu'il ne porte point le faucon au poing (accipitrem in manu), et aucun d'eux ne l'a vu chasser aux bêtes fauves. 6me art. Célébration des offices divins. - L'évêque, lorsqu'il célèbre les offices, s'en acquitte convenablement; il montre toutefois quelque négligence à cet égard, et depuis deux ans il ne les célèbre plus dans la cathédrale à cause des dissensions avec le chapitre. S'il ne dit pas la messe régulièrement, il l'entend tous les jours ; il récite quelquefois ses matines dans son lit, alors même qu'il n'est pas malade. 7me art. Immixtion dans des affaires commerciales. - La plupart des témoins n'ont aucune connaissance de faits de ce genre; toutefois, trois d'entre eux (1er, 4e et 16e) parlent d'étoffes de drap (racellum, al. razellum) confectionnées par ordre de l'évêque pour être envoyées par le Rhône à Marseille, et un autre (8e) a vu l'évêque faire vendre son blé, tandis qu'il en rachetait pour lui et ses gens, mais il ne l'a jamais vu en acheter pour le revendre plus cher. 8me art. Gestion des biens d'Église. - Sous ce chef les témoins signalent soit les diminutions, soit les augmentations des droits, biens et revenus de diverse nature, constituant la mense épiscopale ou le temporel de l'église de Genève. Quant aux droits de mouvance féodale, l'évêque n'a pas obtenu du seigneur de Faucigny le renouvellement de l'hommage que celui-ci avait fait à son prédécesseur ; il a perdu ses droits sur divers hommes-liges, tels que Pierre Cervenc à Genève, Garin et Guillaume de la Tour, chevaliers, à Salaz, qui ont passé à l'hommage de Faucigny ; il a cédé aux Hospitaliers le fief situé à Hauteville, que tenait de l'évêque, Emeric chevalier de Compey ; il a aliéné en mains du maréchal du comte, le fief de Hugues de Cornillon, situé à Jussy ; il a soumis à l'abbaye d'Aulps celle de Filly qui dépendait directement de l'évêque de Genève ; il tolère enfin que le ban du comte soit proclamé avant le sien dans Genève, ce qui est contraire aux droits de la ville, où le comte ne doit pas être nommé dans les bans. Plusieurs domaines de l'Eglise, que les précédents évêques faisaient cultiver à leur profit, ont été acensés à titre perpétuel par le prélat, soit à ses propres vassaux, soit à ceux d'autres seigneurs. Les terres de la mense épiscopale sont dans une situation fâcheuse, celle de Malval par défaut de culture, celles de Jussy et de Salaz par suite des exactions qui pèsent sur les habitants. - D'autre part, des bonifications importantes sont attribuées à l'évêque par plusieurs témoins, et l'un d'eux (8e) les évalue approximativement à mille marcs. La construction du château de l'Ile depuis ses fondations, la reconstruction de celui de Malval, quoique l'une et l'autre fort coûteuses, sont signalées (6e) comme ayant augmenté les revenus de l'Eglise par la sécurité donnée à ses vassaux. L'évêque a acquis un moulin (8e) et les droits de pêche sur le Rhône (3e), ainsi que le fief de Guillaume de Filinge (3e et 15e); il a établi le forage du vin (3e et 14e); il a racheté les redevances que les habitants de Viu payaient à leur vidomne (15e); enfin il a maintenu les régales de l'église de Genève (8e), que le comte de Savoie s'efforçait d'obtenir. - Quant au vidomnat, le premier témoin raconte que l'évêque Nantelme l'avait reçu en gage pour sûreté d'une somme de 60 livres; que plus tard ceux qui pouvaient en disposer (qui de jure poterant conferre), l'avaient cédé à Bernard, prédécesseur de l'évêque actuel, enfin que ce dernier était sur le point, malgré l'opposition du chapitre, de l'abandonner à un autre ayant droit, Pierre de Confignon, pour 30 livres seulement. Le troisième témoin au contraire semble mentionner le vidomnat comme une acquisition de l'évêque (vicedomnatum acquisivit), faisant peut-être allusion à la donation d'Amédée de Hauteville, consentie en mains de Bernard, mais réalisée sous Aimon. (Voy. REG 498, REG 581 et REG 618, et M. D. G. t. VIII, p. 135 et s.) 9e art. Oppression des sujets de l'Eglise. - Ce point, ainsi que l'a fait,observer un témoin, se lie au précédent, car l'oppression sur les habitants de Jussy et de Salaz a contribué à la dépopulation des terres de l'évêque (1er et 4e). Ces exactions ont porté sur les prêtres, non moins que sur les laïques. Sous le nom de procurations, ou par divers motifs (6e et 8e), tels que la guerre contre les Albigeois, ses voyages à Rome et au concile de Bourges, l'évêque requiert de l'argent des prêtres, et, sur leur refus, leur interdit l'entrée de leur église, ou se transporte chez eux avec sa suite et ses chevaux, leur occasionnant ainsi des préjudices doubles de sa demande. Les témoins reconnaissent d'ailleurs que les sommes ainsi obtenues ont été spécialement affectées à la construction du château de l'Ile, et l'un d'eux (7e) déclare que les prêtres sont plus riches que précédemment. 10e art. Collation de bénéfices.- Les faits suivants sont imputés par quelques témoins à l'évêque : il aurait donné l'église de Serraval (13e) à son neveu avant même qu'il portât des culottes (antequam bracas haberet), celles d'Annemasse et d'Aise à des idiots, dont l'un était fils du garde rural (salterius) de Faucigny, enfin il aurait conféré le décanat d'Annecy à Thomas, comte de Savoie, qui évidemment ne pouvait exercer lui-même cet office. D'autres témoins (5°, 6e, 7e, 8e) nient que l'évêque ait conféré des églises à des personnes indignes ou n'étant pas dans les ordres, et parlent avec éloge de l'examen des prêtres fait avec publicité, ainsi que des informations prises sur leur conduite antérieure. Le chanoine Rodolphe de Briançon a vu donner au même prêtre deux ou trois personats (bénéfices), mais jamais plusieurs églises paroissiales, comme cela avait lieu antérieurement. 11e art. Pactes illicites. - La plupart des témoins repoussent ce chef d'accusation, et ceux qui allèguent quelques faits de ce genre relatifs aux églises de Fleyrier, Châtillon et Samoëns, déclarent qu'ils les ont appris par oui-dire. Le chanoine Aimon dit que l'évêque a conféré des bénéfices à Raymond, prévôt du chapitre, à condition qu'il résidât dans l'Ile. Plusieurs témoins (6e, 7e, 15e) affirment qu'aucun bénéfice n'a été accordé qu'après serment prêté par celui qui l'obtenait, de n'avoir fait aucun don ni promesse pour l'acquérir. L'un d'eux cependant (16e) cite des exemples du contraire. 12e art. Tenue habituelle de l'évêque. - On lui reproche généralement l'absence de gravité dans ses paroles, ses gestes et ses habits ; sur ce dernier point on dit qu'il porte des vêtements trop courts, des fourrures, une épitoge ouverte, et qu'il a sur son capuce des lacets d'argent. 13e et dernier art. Abus et actes tyranniques. - Les exactions, envisagées sous le 9e chef au point de vue pécuniaire, le sont ici comme révélant la violence et l'arbitraire de l'évêque. On cite un Favre de Viu, emprisonné sans motifs ; un cheval du prieur de Saint-Jean enlevé et non payé ni rendu; une vache prise à une pauvre femme par les serviteurs de l'évêque; Amédée, vidomne de Viu, emmené violemment au château de l'Ile ; un char de vin volé à Motier de Burdegnin et transporté dans le même château où les voleurs demeurent en sécurité, malgré l'excommunication de l'archevêque de Vienne, etc. D'autres actes de l'évêque sont encore incriminés, comme révélant une tolérance coupable dans l'administration de l'Eglise : ainsi, il a abandonné l'église de Crassier aux moines de Bonmont malgré l'opposition du chapitre; il n'a obtenu aucune satisfaction pour le meurtre d'hommes de l'Eglise, tels que Thomas de Treynant ; etc. Tous les témoins, à l'exception de deux d'entre eux (2e et 11e), terminent par la formule : qu'ils ne sont point ennemis de l'évêque, qu'ils ne déposent que par zèle et pour l'utilité de l'Eglise.

SOURCES

BibliographieArch. de Gen. P. H. n° 46.- Spon, tome II, p. 401 à 441, avec les corrections indiquées par E. Mallet, M. D. G. t. VII, p. 350. - Cette enquête ne porte aucune date et le nom de l'évêque n'y est point désigné. I.-A. Gautier et Abauzit, en la publiant et l'annotant, croyaient qu'elle se rapportait à Pierre de Cessons et à l'année 1219. Ed. Mallet a, le premier, reconnu (M. D. G. t. VII, p. 347) qu'elle concernait Aimon de Grandson, et devait être placée à la fin de l'année 1227. Parmi les arguments qui corroborent cette double conclusion, on peut citer : 1° La présence, au nombre des témoins, du chanoine Aimon de Gonville qui figure aussi sous l'épiscopat d'Aimon de Grandson, en 1224 et en 1234. 2° La déposition explicite du huitième témoin déclarant que dix ans auparavant (a decem annis citra), il a accompagné l'évêque dans ses visites pastorales. 3° L'allusion faite à la décision arbitrale du 20 juillet 1225 relative au Vidomnat REG 618, allusion qui démontre que l'enquête est postérieure à cette date, mais que le terme de quatre ans, dont parle l'arbitrage, n'est pas encore expiré. 4° Enfin, l'existence, en date du 7 septembre 1227, de la Bulle du pape Grégoire IX, ordonnant de suivre à une enquête dirigée contre l'évêque de Genève.




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