Une ordonnance du 3 février 1731 prescrit que les chiffres, papiers, lettres et mémoires concernant le service du Roi, et les fonctions de la charge du défunt qui pourront se trouver sous les scellés, seront distraits des autres effets de la succession, remis sans être inventoriés aux officiers préposés pour les recevoir, et envoyés par lui au Secrétaire d’état de la Guerre.

Cette mesure s’est successivement étendue aux papiers laissés par les personnes qui ont rempli des fonctions diplomatiques ou administratives.

Elle fut appliquée en 1824 lors de la mort du duc de Cambacérès, malgré la vive résistance de son neveu.

Mais le gouvernement de la Restauration crut nécessaire de rendre une ordonnance royale spéciale pour pouvoir user de ce droit.

Cette ordonnance est ainsi motivée :

« Considérant que le Duc de Cambacérès parait avoir conservé des pièces qui n’étaient entre ses mains qu’à raison des diverses fonctions dont il a été revêtu : que ces papiers appartiennent à l’Etat, et doivent rester en sa possession.

Le Sieur de Rozières, Maître des requêtes, est chargé d’assister à la levée des scellés apposés, après le décès du Duc de Cambacérès, sur les papiers qui étaient en sa possession, et de faire remettre toutes les pièces de quelque nature qu’elles soient, qui étaient entre les mains du duc de Cambacérès à raison des diverses fonctions publiques dont il a été revêtu.

Nonobstant cette ordonnance royale, le neveu et héritier de Mr le duc de Cambacérès donna assignation à Mr de Rozières, Maître des Requêtes, pour faire ordonner qu’il n’avait pas le droit de compulser les papiers de la succession.

Mr le Préfet de la Seine éleva le conflit et soutint que sous tous les régimes soit avant, soit depuis la Révolution, comme sous toutes les formes de gouvernement, les papiers d’Etat, au décès de chaque fonctionnaire administratif ont constamment été réclamés et repris au nom de l’administration, dans l’intérêt public et par la voie administrative comme il serait facile d’en citer une multitude d’exemples même dans les derniers temps.

Une ordonnance du contentieux du Conseil d’Etat, en date du 17 novembre 1824, approuva l’arrêté de conflit et annula l’assignation de Mr Cambacérès.

Plus tard à la mort de Barras le juge de paix sur la réquisition du gouvernement se rendit au domicile du défunt et apposa les scellés sur les papiers.

La veuve demanda contre le Préfet la levée des scellés soutenant que l’Etat était sans qualité pour en requérir l’apposition. Cette demande fut repoussée par un jugement du tribunal civil de la Seine en date du 6 mars 1829 qui ordonna qu’en présence du Préfet de la Seine ou d’une personne par lui déléguée, il serait procédé à la levée des scellés apposés sur les papiers de feu Paul Barras et que ceux de ces papiers qui seraient reconnus appartenir à l’Etat seraient remis au Préfet ou à son délégué contre décharge sur le procès-verbal.

Ce jugement fut confirmé par arrêt de la cour de Paris du 8 mai 1829 sous la Présidence du Baron Seguin.

Pour justifier ce droit exorbitant contre les anciens fonctionnaires civils, à défaut d’un texte formel et spécial le Préfet de Police est réduit à invoquer l’article 959 du code de procédure civil qui d’une manière générale reconnait et consacre le droit des tiers de revendiquer les papiers qui pourraient se trouver dans une succession et qui lui seraient étrangers.

Il n’y a pas d’autres textes précis pour les Ministres, ou agents administratifs ou diplomatiques.

Il n’existe une disposition formelle que dans un arrêté du 13 nivôse an X qui prescrit l’apposition des scellés sur les papiers d’un officier général ou officier supérieur de toute arme, d’un commissaire ordonnateur d’un inspecteur aux revues, officier de santé en chef d’une armée, et notamment sur les papiers, cartes, plans et mémoires militaire autres que ceux dont le décédé serait l’auteur en présence du maire ou de l’adjoint.

C’est en vertu de ces usages et de l’article 939 du code de procédure, probablement que l’administration s’est crue fondée par mesure politique de faire poser les scellés après la mort de Mr le Duc de Morny de Mr Achille Fould et de Mr le Comte Walewski.

Mais on le répète elle ne pourrait citer à l’appui de cette pratique aucune loi, ordonnance ou règlement qui l’y autorise directement à l’exception peut-être de l’ordonnance du 3 février1731 rappelée en tête de la présente note.

23 octobre 1868