NOTE
Dans son livre « Rachel » « Amours et tragédie » Nicole Toussaint du Wast écrit :
« Sa liaison avec Walewski connut bien des orages. Rachel à qui toute attache paraît pesante se montre instable querelleuse fantasque. Alexandre est inquiet. Sur un petit carnet où les deux amants écrivent tour à tour il multiplie les appels à son ingrate maîtresse »

 

A Rachel

Mon amour, mon affection, mon amitié, mon intérêt pour toi méritent de ta part une vive reconnaissance.


 

On n'est pas aimé deux fois dans la vie comme tu l'es par moi.


 

A moins d'avoir le cœur ingrat, l'âme basse et de ne sentir en soi aucun des sentiments qui distinguent la créature humaine de l'animal, il est impossible que l'on ne se sente porté à de la reconnaissance pour celui qui vous aime autant.


 

Eh [ ?] bien ce que je te demande c'est bien peu de choses. Ce n'est pas ton amour, ce n'est pas ton amitié, ce n'est pas du dévouement, ce n'est pas de l'abnégation, ce n'est enfin aucun sacrifice, c'est de la franchise et la bonne foi et de la confiance.


 

Je veux ton amour, rien de moins ne saurait me suffire.


 

Je te demande de me prévenir le jour où tu cesseras de m'aimer.


 

C'est à dire le jour où tu m'aimeras moins : qui aime moins n'a plus d'amour. L'amour est comme l'infini : si on peut en ôter quelque chose ce n'est plus l'infini. L'amour est une illusion qui ne comporte ni addition ni soustraction, du moment où on le soumet à l'action réelle, il devient une réalité et cesse d'être de l'amour.


 

Je te demande de la franchise, une confiance sans bornes, tout me dire, tout sans restriction ; la moindre infraction à cette règle me chagrinerait beaucoup, parce qu'elle en ferait supposer une quantité d'autres.


 

Ce n'est pas seulement un désir du cœur qui m'inspire cette exigence c'est la connaissance des choses humaines qui m'en fait une nécessité.


 

Dans une position aussi difficile que la tienne, sur un terrain aussi glissant entouré de tant de jalousie, de tant d'envies, de tant d'ennemis enfin, tu ne peux pas te soutenir toi-même et on ne saurait se maintenir dans une position convenable, honorable même à côté de toi si on ne dirige pas entièrement ta conduite. Et comment la diriger si tu mets la moindre restriction dans tes aveux, dans tes confidences.


 

Je te demande de suivre exactement non pas seulement dans les grandes choses mais dans les petites la direction que je te tracerai ou plutôt dont nous conviendrons ensemble toi et moi.


 

Je te demande de renoncer totalement à toute coquetterie, mais absolument et sans exception.


 

J'ai commencé par te dire que je ne te demande que très peu de choses.. Eh bien je ne te demande que très peu, toutes mes demandes se réduisent à la première : c'est de me dire quand tu m'aimeras moins.
Ah cela est difficile. On ne veut pas toujours faire cet aveu là ; on aime moins et cependant on ne veut pas rompre pour mille raisons. Il y a quelque fois des choses qu'on veut faire mais qu'on ne veut pas dire. Et bien non là j'en appelle à ton amitié, à ta reconnaissance, à ton honneur, à ta délicatesse. Là je te demande peut être un sacrifice, c'est de me dire quand tu m'aimeras moins. Mais cela promis, le reste de mes demandes n'est rien, moins que rien.


 

Tout me dire. Tu éprouveras toi-même du bonheur à pouvoir verser dans le sein de celui que tu aimes toutes tes pensées, tous tes chagrins, tous tes plaisirs.
Tu m'aimes ; il n'y a donc rien au monde que tu aies intérêt à me cacher.


 

Faire tout ce que je te prescrirai.
Quoi de plus doux dans la vie que de se soumettre à celui qu'on aime, de faire toutes ses volontés ; si par hasard on éprouvait quelque contrariété à lui obéir, cette contrariété serait plus que rachetée par le bonheur de lui faire plaisir ; mais comment serait-on contrarié ? Ses volontés doivent tendre à faire que la vie se passe ensemble, et s'il demandait quelquefois le sacrifice de quelque partie de quelque plaisir dont il n'est pas, mais des plaisirs dont n'est pas celui que l'on aime ne sont pas des plaisirs.


 

Renoncer à la coquetterie. L'amour véritable est le meilleur remède contre la coquetterie.
En effet quand on aime peut-on être coquette ? Peut-on trouver un grand plaisir à tourner la tête à des hommes dont on ne soucie pas. Oh non certainement. Quand on désire inspirer de l'amour même pour s'amuser, on a la pensée secrète d'en éprouver soi-même.
Et si tu m'aimes tu ne dois pas, tu ne peux pas avoir cette pensée.


 

Ainsi pour me résumer, je ne te demande qu'une seule chose : franchise quand même et malgré tout.


 

Si après cela tu me cachais quelque chose, si tu me trompais, tu serais impardonnable en équité, en honneur, en raison enfin.


 

 

LES AMIS INDIFFERENTS

Rolle : petitesse et prévenance mais bien marquer que c'est à Monsieur Rolle que s'adressent les petitesses et non pas au journaliste ; pour cela il ne faut pas en faire trop.

Brindeau : bon, franc, mais faible ; prévenance et amitié.

... : politesse et égard.

Valbesen : amitié mais bien se garder des avances.

… . : poli, il désire se rendre agréable ; rester en de bons termes avec lui.

Duc de Fitz James : politesse et égards : surtout rien qui puisse ressembler à de la coquetterie.

Cousin : beaucoup de politesse, beaucoup de prévenance en un mot aux petits soins.

Rémusat : beaucoup de politesse etc. etc.

Duvergier : idem.

D'Haubersart : politesse.

... Choses de manière à ... toujours dans la dépendance ; en un mot les avantages seront très minimes parce qu’après tout il est ladre comme un juif et les inconvénients pourraient être assez grands

Clermont : beau garçon et a l'espoir d'arriver un jour à te plaire - peu spirituel, peu amusant, position assez insignifiante dans le monde.

D'Etchegoyen : bon garçon. Quant au reste sur la même ligne que Clermont.

Castellane : sot, stupide, le traiter durement, cependant avec au fond quelques ménagements.

Thiers : il n'ose pas venir chez toi aussi souvent qu'il le voudrait, sa femme le lui défend ; très fat, très disposé à croire qu'on veut de lui ; mais avant tout ayant prodigieusement d'esprit par conséquent ne prenant pour des avances que ce qui est réellement des avancées ; être toujours très aimable pour lui même un peu coquette, mais ne pas avoir l'air de se soucier de ses attentions. En tous cas une grande déférence pour sa haute position.

Cavé : politesse sans aller au devant de lui, surtout jamais ne lui faire de visites, laisser ces habitudes là aux femmes qui ne respectent pas leur position et qui en conséquence ne sont pas respectées.

Robin : très spirituel mais de très mauvaises manières. Prendre garde à lui.

Méry : bon, spirituel, gascon, prendre garde à ses exagérations méridionales. Beaucoup de politesse mais rien que la politesse.

Bauchez : excellent garçon.

Delaborde : instruit, agréable, il peut devenir fort utile, le ménager.

LES AMIS DANGEREUX

Madame Saigneville : elle passe pour faire métier de rapprocher les deux sexes ; on a écrit une fois dans un journal que j'avais été chez elle, cet article m'a fait plus de tort que toutes les attaques auxquelles j'ai été en butte depuis trois ans. Elle affecte d'avoir toute ma confiance mais ses conseils sont perfides et elle les couvre du voile de l'intérêt, son but est d'obtenir à tout prix ma confiance. Si j'avais le malheur de la lui donner, elle en abuserait de différentes manières, je romprai avec elle bien décidément, mais peu à peu sans éclat.

Monsieur et Madame Girardin : j'ai besoin dans cette occasion de toute mon intelligence. Les ménager beaucoup sans jamais leur faire une promesse ; leur montrer de la déférence tout en m'éloignant d'eux peu à peu et imperceptiblement.

Théophile Gautier : fantasque, quinteux, on ne sait jamais où on en est avec lui. Rester dans les termes d'une politesse cérémonieuse ; la moindre coquetterie, la moindre intimité, auraient forcément pour résultat une hostilité […]

LES AMIS VRAIS

Madame Récamier : bonne, sincère, affectueuse. Je peux en toute occasion compter sur son amitié ; malheureusement son âge et sa position rendent cette amitié assez stérile pour moi.

Ballanche : bon, excellent mais inutile.

Ampère : bon, dans l'occasion peut être un peu plus utile que Ballanche.

Briffault : fin, spirituel ; je crois son amitié assez sincère.

Duc de Noailles : il a de l'affection pour moi, il est honorable mais plein de vanité. Pour le conserver ami je dois le traiter comme un grand-père, autrement il aurait des prétentions et nous nous brouillerions.

Lebrun : il est mon ami car il a besoin de moi. Je dois le ménager tout en lui faisant comprendre que je n'ignore pas les raisons qui me font compter sur lui.

Mignet : il est je crois un ami sincère, son amitié peut m'être fort utile. Le [...]yer beaucoup, chercher [à] lui plaire mais sans [coq]uetterie à moins d'avoir l'intention d'y donner suite.

Rodolphe : il a pour moi de l'affection mais il est bien jeune !

Roger : je peux avoir confiance en lui mais prendre garde à tout ce qui pourrait ressembler à de la coquetterie.

Tanski : bon garçon, serviable très souvent utile, le ménager beaucoup sans oublier qu'il est le plus indiscret des hommes.

Mallar : honnête, prendre garde seulement qu'il ne se donne pas des airs d'intimité protectrice.

Komieroski : il m'est dévoué, je ne sais trop pourquoi ; son dévouement n'est pas stérile ; lui en savoir gré.

Delahante (Adrien) : il est bon, il est honnête mais il est faible, il a de la vanité et il est entouré de gens qui cherchent à exploiter sa vanité contre moi. Je désire conserver avec lui de bonnes relations et pour ce je dois bien prendre garde de lui donner la moindre espérance et même pendant quelque temps je dois éviter de le voir pour lui montrer bien nettement et bien franchement dans une nouvelle voie celle de l'amitié.

Samson : honorable à tous égards excepté à l'endroit des femmes. Je crois qu'il est fier de mes succès tout en étant jaloux de ma position ; [tracé : un peu un vieux] débauché, s'il le croyait possible il ne serait pas éloigné de me faire la cour. A part de ce qui a rapport à cette particularité il est d'un très bon conseil.

Madame Samson : bonne, elle a de l'affection pour moi mais je dois acheter cette affection par un dévouement illimité. Si mon dévouement se ralentissait je devrais cesser de compter sur elle.

Caroline : la reconnaissance que je dois à Monsieur Samson m'a fait l'obliger. Quelquefois je crois qu'elle m'en garde un souvenir tendre.

[…] : franche jusqu'à la rudesse [ ?], bonne, je ne la crois pas ingrate.

Berton : bon, honorable, mais faible : peu de ressource, son amitié est stérile.

Jules Toussaint

Jules Samson : un petit cousin ! Gardez-vous des petits cousins ! Ils sont quelquefois dangereux. En tous cas ils sont compromettants : on est en correspondance suivie. Quand la conformité des positions, des âges et des caractères amène des [...] et un échange d'idées ou de sentiments qui rend intéressant toutes les lignes, tous les mots d'une lettre, on correspond avec des connaissances qui sont en position de vous transmettre des nouvelles ou avec des gens d'esprit qui expriment des idées, ou avec des amis qui vous confient leurs sentiments. Mais une correspondance avec un enfant qui ne peut parler que de son collège ou de ses parents ou de ses livres […] un non sens, et quand cet enfant a seize c'est un non sens auquel la médisance cherche à donner un sens : si Madame Rachel pendant deux mois d'absence écrit quatre ou cinq lettres à sa famille, trois ou quatre à ses amis intimes, deux ou trois à des connaissances qu'elle a besoin de cultiver, comment et pourquoi écrit-elle cinq ou six fois à un enfant de seize ans ? On répond à cela : je vous l'ai dit - Non je ne m'en souviens pas - Ne vous ai-je pas parlé l'autre jour de la bizarrerie de ses goûts ?! Ne vous ai-je pas donné des exemples ? Le [...] dont je me suis servi vous avait même choquée - Ah je m'en souviens, le mot était indécent et le sens était une calomnie - qui vivra verra.

LES FAUX AMIS

Buloz : à fino, fino et demi lui faire bonne mine mais ne lui rien passer, répondre par de la brutalité à sa brutalité. Aucune confiance, être toujours avec lui comme s'il devait demain devenir mon ennemi mortel. L'utiliser dans l'occasion.

Delahante Ainé : éviter tout contact avec lui.

Bonnaire (Félix) : se tenir en garde contre lui.

Caumont : je le connais à peine, il dit hautement qu'il veut me faire la cour ; il est faux comme jeton je ne le recevrai jamais.

Victor Hugo : il ne m'aime pas, je dois avoir l'air de l'ignorer, il faut m'en défier tout en le ménageant.

Comte de Fitz James : on lui a persuadé de me faire la cour, un coureur d'aventures, un bavard, je ne le recevrai jamais.

Madame Gay : avoir avec elle le moins de relation possible, la ménager cependant.

Mademoiselle Brohan : s'en défier et la traiter de très haut.

Madame Thénar : fausse comme un jeton, intéressée comme un double juif.

Sercey : faux comme un jeton ; s'en défier.

LES ENNEMIS A MENAGER

Véron : éviter d'en parler avec qui que ce soit, conserver à son égard quelque chose qui advienne la plus grande froideur. Accueillir avec dédain et mépris mais sans colère le récit des propos qu'il aurait pu tenir. Jamais de rapprochement.

Montguion : froideur des plus marquée ; ne jamais parler de lui ; éviter de le rencontrer. Jamais de rapprochement.

J Janin : aucune avance ; si une occasion de rapprochement se présentait, la saisir mais sans empressement marqué, et si rapprochement il y avait par la suite, beaucoup de politesse, jamais d'intimité.

Merle. Il ne sera [...] mon ami, mais son hostilité peut être plus ou moins forte ; de la politesse et des égards en évitant avant tout d'avoir l'air de le craindre.

LES ENNEMIS A MEPRISER

Chaudes-Aigues : de la froideur beaucoup de froideur ; s'il tentait un rapprochement l'accueillir avec indifférence et faire comme si son hostilité était passé inaperçue.

Charles Maurice : du mépris, toujours du mépris et encore du mépris ; ne jamais lire ce qu'il écrit et fermer la bouche à tous ceux qui pourraient m'en parler.

... : de la froideur, de l'indifférence sans haine ni colère. Jamais dans aucune circonstance quelconque rien qui puisse ressembler à de l'intimité.

Beauvallet : il me déteste, ne pas l'oublier ; songer surtout à ne pas souffrir de la familiarité.

Jeffroi : froideur sans affectation.

Dumas : briser avec [...] toujours mais sans é[...] donner par mon maintien [ ?] un démenti formel à ses calomnies ; pour cela il faut que mon maintien envers lui aie le cachet de l'indifférence la plus glaciale. Eviter une explication inutile et ne rien oublier.