TIROIR 37 PAQUET PREMIER

Ce droit se trouve déjà prouvé en partie dans l'article Seigneurie de Grion, aux actes extraits des années 1263 [36/1/4], 1274 [36/1/15], 1285 et 1287 [36/1/12], pp. 1, 2, 3 et dans V.S., et dans l'article précédent sur la taillabilité par les actes extraits dans les numéros : 1°, 5°, 6°, 8°, 9°, 10°,11° [36/5/1,5,6,8,9,10,11] pp. 13-14. Il y a ici une difficulté, savoir : si cette grande taille est une suitte de la taillabilité des personnes et biens de Grion qui consiste principalement en ce que les biens des persones taillables font écheute lorsqu'elles meurent sans enfans propres légitimes ; ou en ce que les biens taillables sont commise au seigneur, quand même ceux qui les ont possédé ne sont pas taillables, lorsqu'ils meurent sans enfans propres et légitimes ; ou si plutôt cette grande taille provient d'un simple droit qu'a le seigneur abbé d'imposer un tribut sur Grion, indépendemment de la taillabilité personnelle et réelle ? C'est ce dont on pourra mieux s'instruire en examinant les actes suivants.

37/1/1
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1294

Vieux parchemin où l'on voit qu'il y avoit à Grion des hommes et biens taillables et d'autres qui ne l'étoient pas ; des biens soumis à la grande taille et d'autres qui ne l'étoient pas ; des hommes enfin qui ne prétendoient pas devoir la taille parce qu'ils étoient francs. Ce parchemin a pour titre au revers æquantia talliæ Grionensis, qui ne paroît pas lui convenir parfaitement.

1 document coté :
CHA 37/1/1

 

37/1/2
Grande taille de Grion [Gryon]
Original

Un rouleau assés considérable en papier, mais vieux caractère contenant une recouvre des tailles de Grion et d'Ollon avec ce titre au commencement : " Computus Aymonetis de Novo Castro, burgensis Allii, de omnibus receptis et albergatis ... per ipsum, vice, nomine et ad opus reverendi et domini in Christo patris domini Joanis Bartholomei [Jean Bartholomei] (vel Bernardi [Girard Bernardi]), Dei gratia abbatis Sancti-Mauritii Agaunensis, videlicet a festo Purificationis Virginis anno 64 usque ad diem 29. mensis Octobris.
Talliæ de Grion.

N.B. Le nom de cet abbé doit plutôt être Joannes Bartholomœi que Joannes Bernardi, selon la liste de nos abbés. Ainsi cette recouvre seroit du 14e siècle. Au reste dans ce rouleau de recouvre sont notés ceux qui ont payé et le quantum des payemens.

1 document coté :
CHA 37/1/2

 

37/1/3
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1415

TAILLE MODEREE. Acte en parchemin signé par Aymonet de Stabulo, notaire, où on voit que l'abbé Jean Sostion ayant convoqué à Salaz ceux de Grion qui s'y trouvèrent en grand nombre tant à leur nom qu'à celui des absens, l'Abbé leur ayant imposé pour cette anée-là la taille à misériode de 30 livres mauriçoises, quoique dit-il, ses prédecesseurs l'ayent quelques fois imposée jusqu'à la somme de 40 livres et quelques fois de 36 à 35. Cependant, à la prière de ceux de Grion, la modéra à 26 livres.

1 document coté :
CHA 37/1/3

 

37/1/4
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1416

TAILLE APPRECIEE. Autre original en parchemin du 15 novembre, signé par le même de Stabulo, aussi fait à Salaz, présents tous les chefs de Grion où l'abbé Sostion apprécie et modère la taille à miséricorde à 28 livres mauriçoises et 25 sous pour la garde et ceux de Grion établirent des collecteurs pour ladite taille.

Cet acte se trouve à double. Entre les témoins Candide Fabri, chanoine de l'Abbaye, Jean de Lulyno [Jean de Lullin], curé de Bagnes, etc.

Voir aussi Charléty, Suppl., p. 26

2 documents cotés :
CHA 37/1/4~01
CHA 37/1/4~02

 

<page 673>

37/1/5
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1418

ARBITRAGE. Jean et Mermet de Fy, oncle et neveu de Grion, faisans difficulté de payer leur rate-part de la taille de Grion, ils furent condamnés par arbitrage à la payer comme les autres hommes de Grion, leurs voisins, à l'avenir et à 4 livres 10 sous de dépends à quoi se sont soumis. Signé Rollet notaire 19 may.

1 document coté :
CHA 37/1/5

 

37/1/6
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1420

APPRECIATION DE LA TAILLE. Ceux de Grion sont derechef cités cette année par l'officier dudit Grion à comparoître devant l'abbé Sostion à Salaz, pour faire l'égance de la taille à la miséricorde et pour en établir des collecteurs : elle est réglée pour cette année à 28 livres outre 25 sous de garde. 4e décembre Pierre de Lapha notaire.

N.B. Les copies de ces trois actes se trouvent en françois dans la procédure sur la grande taille de Grion 1726 dont on parlera cy-après.

1 document coté :
CHA 37/1/6

 

37/1/7
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1422

DIVERS ACTES POUR LA GRANDE TAILLE. Un grand parchemin, duement signé Pierre de Lapha, notaire où se trouvent recueillis 5 à 6 actes authentiques des anées 1411, 1416, 1419, 1420, 1422, contenans des donations et surtout venditions de quelques morcels de terre avec la réserve toujour expresse que les donataires ou acquéreurs payeroient un tant de deniers assignés sur ces terres pour le payement à rate de la grande taille de Grion due à l'Abbaye. Ledit notaire de Lapha a fait ce recueil d'acte par ordre du duc Amédée, donné à l'instance de l'abbé Sostion. On voit par cet acte que la rate-part de la taille étoit déjà arrêtée et réglée.

1 document coté :
CHA 37/1/7

 

37/1/8
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1423

APPRECIATION DE LA TAILLE. Le même abbé demendant à ceux de Grion, duement cités à comparoître devant lui, 36 livres mauriçoises pour la taille accoutumée ; à la requête des paysans qui s'avouent ses jurisdictionaires et taillables ou en font au moins semblant, la réduit pour cette année à 31 livres 5 sous, y compris 25 sous mauriçois, pour la garde, 8. septembre Thomas de Margarie, notaire, noble Jean de Chastonay entre les témoins.

Copie françoise de cet original dans la procédure ci-dessus. Au reste, cet original se trouve à double.

1 document coté :
CHA 37/1/8~01

 

37/1/9
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1425

DEPOSITIONS DES TEMOINS. Ceux de Grion, ayant dans ce tems commencé à refuser de payer la grande taille, il s'éleva un procès entre eux et l'abbé Jean Sostion devant le lieutenant de M. de Montheolo à Monthey où, comme il conste par une vielle procédure cottée paquet 5e, il fut longtems agité, et ensuitte porté par devant le Conseil du duc Amédé de Savoye qui ordonna d'entendre des témoins sur les difficultés en question, savoir :
1° si les hommes de Grion passoient pour être taillables à la miséricorde de l'abbé de Saint-Maurice ?
2° si ledit Abbé avoit jurisdiction dans ledit lieu ?
3° enfin, si ledit Abbé étoit en usage d'imposer toutes les années une taille à son plaisir sur les gens dudit endroit ?
Il y eut passé 50 témoins du voisinage, en grande partie mêmes de Grion mais habitans ou rièrre Ollon ou rière Bex, qui furent entendus par Jean Chalium, procureur de Vaud, commis et député à cet effet par ledit Conseil du Prince. Sur le 1er article, ils s'en trouva passé 40 qui se déclarèrent pour l'affirmative ; quelques-uns dirent n'en rien savoir. Sur le 2d , ils répondirent tous ou presque tous que l'Abbé avoit toujour exercé une pleine jurisdiction par lui-même ou par ses officiers sur les gens de Grion. Sur le 3e enfin, que l'abbé moderne et ses prédécesseurs avoient perçus et exigé la grande taille en question sur ceux de Grion, tantôt plus, tantôt moins, tout ceci conste par un vieux et long manuscrit signé Jean Chalium, notaire qui contient en détail et au long toutes ces dépositions faites dans le courrant de may.

1 document coté :
CHA 37/1/9

 

<page 674>

37/1/10
Grande taille de Grion [Gryon]
1425

INFORMATION. En conséquence des témoignages ci-dessus ce procès se poursuivit devant le Conseil du Duc, on fit une information sur le fait et sur le droit en faveur de l'Abbé : elle est solide et contient quelques faits et principes assès dignes de remarques... Elle est écrite en caractères de ce tems-là et sur papier. On y joint une copie écrite à la main de feu Mr le Prieur Escoffier.

2 documents cotés :
CHA 37/1/10~01
CHA 37/1/10~02

 

37/1/11
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1425

SENTENCE DU CONSEIL DUCAL. Sentence du 15 novembre 1425, portée à Thonon par le Conseil du duc de Savoye, en faveur de l'abbé Jean Sostion, agissant à son nom, Candide Fabry, chanoine et procureur de l'Abbaye, contre ceux de Grion, la quelle maintient le dit Abbé dans la possession d'imposer toutes les anées, percevoir, lever et exiger sur et des hommes de Grion et de dessous Grion les tailles à la miséricorde, néanmoins appréciées au bon plaisir des abbés, qui pour lors seront ; et condamna les dits de Grion à tous dépends légitimes de cette procédure. Cette sentence est bien signée et duemment scellée du sceau du Prince en cire rouge. Sa copie en françois dans la procédure cy-après de 1726.
On voit dans la teneur de cette sentence les démarches juridiques qui se sont faites à son sujet, ce qui s'est allégué de part et d'autre, et comment ceux de Grion nioient leur taillabilité et même la juridiction de l'Abbé. Il se trouve ces paroles en vieux caractère sur le revers de l'original : " Il s'est ensuitte suivi un accord entre l'Abbaye et ladite commune pour le prix de 100 florins annuels et irredîmables. "

37/1/12
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1426

ARBITRAGE. Acte original du 29 mars, par lequel Bovery vice-baillif du Chablais et Jean de Chastonay arbitres entre l'abbé Sostion et ceux de Grion, condamnèrent les dits de Grion à payer à l'Abbé 140 livres d'or pour les dépends de la procédure ci-dessus spécifiée, auxquelles ils avoient été condamnés par le Conseil du Duc, et sur lesquelles ils avoient appellé ; duquel appel ceux de Grion s'étant désistés en se soumettant à payer la dite somme et promettant d'être plus obéissants, l'Abbé leur promit de son côté sa protection et consentit à l'absolution générale des monitoires portés contre eux, comme détenteurs de biens d'Eglise.

L'acte est signé par Claude Borgesi, notaire de Villeneuve. Sa copie en françois dans la procédure de 1726 cy-après.

1 document coté :
CHA 37/1/12

 

37/1/13
Grande taille de Grion [Gryon]
Original
1438

TRANSACTION. Acte original de cette année et du 27 janvier d'une transaction faite entre Jean Regis alias Jaco, et Reymonde, fille de feu Mermet de Villario, l'un et l'autre de Grion, au sujet de 12 sous que le dit Régis devoit autrefois annuellement pour sa rate de la grande taille de Grion ; mais dont il s'étoit déchargé sur Jean Moreillon gendre de ladite Reymonde en lui cédant une pièce de terre, en vertu de quelle transaction ledit Régis se chargea derechef de payer les dits 12 sous mauriçois avec les arrérages, moyennant la cession, que lui fit la dite Reymonde de la même pièce et d'une autre du fief de la Sacristie sous trois bichets de froment de cense anuelle, payables par le dit Regis. L'anée suivante Nicod Ogery, sacristain de l'Abbaye looda cette transaction et cession au nom de la sacristie. Guillelme Bagniodi de Collombay, notaire.

On voit par cet acte que la rate de la grande taille étoit déjà réglée depuis plusieurs années.

1 document coté :
CHA 37/1/13

 

<page 675>

RECONNOISSANCES ET QUERNETS. Tous les anciens titres que l'on vient d'extraire ou de citer, prouvent évidemment le droit qu'a l'Abbaye de percevoir la grande taille sur Grion. Le droit n'est pas moins clairement établi par les reconnoissances des commissaires François Aymonat 1483 etc. Cucuet et Cornut 1533, Antoine Veillon 1597, Jean-François Veillon 1653 et Jean Grevoulet 1704. Les quelles toutes rapportent une infinité d'assigneaux assujettis chacun à payer sa rate-part de la grande taille de Grion, comme on peut le voir dans les extraits qui se trouvent entre les pièces qu'on a produittes à l'occasion des procès de 1726 et 1732 dont on parlera un peu plus bas.
Il est visible que si cette grande taille n'avoit pas été due, ni lesdits commissaires n'en auroient pas fait prêter reconoissance ; ni ceux de Grion ne l'auroient pas à plus forte raison voulu prêter ; ni les Abbés même n'en auroient pas parlé dans leurs quernets, comme ils l'ont cependant fait entre autres l'abbé Jost de Quartéry en 1666 et de nouveau tout dernièrement, l'abbé Charléti. Vide ibidem

CONCLUSIONS A TIRER DES TITRES CI-DESSUS. De tous les titres que l'on vient d'extraire il suit :
1° qu'une grande partie des hommes de Grion, outre la taillabilité personelle, avoient reconnu celle de leurs biens, qui sont mouvants dudit fief de la grande taille, et qu'en conséquence d'une telle reconnoissance ils avoient, outre cela, reconnu que leurs dits biens et assignaux étoient assujettis à leur rate-part annuelle de la grand taille, ce qui établi clairement la distinction du droit d'échute, dont ci-dessus, d'avec celui du cens annuel. Cela conste par les reconoissances que l'on vient de citer et par les extraits des titres rapportés ci-dessus, qui le disent tous expressément.
2° que le cens ou la somme, que l'Abbaye percevoit de la grande taille, étoit autre fois arbitraire à l'Abbé, ensorte qu'il pouvoit plus ou moins exiger pour cela, ce qui conste par les titres ci-dessus extraits : n° 3, 4, 6, 8, 9, et 11, [37/1/3,4,6,8,9 et 11] ;
3° que cette taille a été arrêtée et fixée, depuis passé trois siècles, à la somme de 100 florins et que la commune a toujour été chargée de la payer, ce qui se prouve surtout :
1° par les no 7 et 13 [37/1/7 et 13],
2° par les reconnoissances de François Aymonat 1483 et Cornut et Cocuat 1533, qui disent expressément, que la taille étoit déjà fixée alors,
3° par les livres de compte et par les quenets que l'on peut voir ;
4° que ceux de Grion ne se sont jamais affranchis du dit fief de la grande taille. On le prouve :
1° par lesdites cinq reconnoissances qui ne parleroient plus de cette grande taille, ni de ce que les terres doivent pour cela, si ce fief étoit affranchis ;
2° par les quernets toujours prêtés par l'Abbaye de 100 florins pour cette grande taille à LL. EE. de Berne, puisque si ceux de Grion en étoient affranchis ce ne seroit plus à l'Abbaye, mais à eux-mêmes à prêter reconnoissance à LL. EE. de Berne come il le font pour le fief du sacristain, dont ils se sont affranchis, et comme on la vu ci-dessus ;
3° par les loods des aliénations de la pluspart des assignaux de la grande taille toujour tirés par l'Abbaye, quoique les reconnoissances n'énoncent en sa faveur d'autre droit de fief sur eux, que celui de la grande taille et les quels loods ceux de Grions par conséquent n'auroient sans doute pas payés, s'ils s'étoient affranchis de cette grande taille ;
4° parce que ceux de Grion auroient produit un acte clair d'affranchissement de cette taille, s'ils en avoient été effectivement affranchis, ce qu'ils n'ont cependant jamais fait, comme on va le voir.

37/1/14 et 15
Grande taille de Grion [Gryon

En effet, il est certain que si on excepte quelques difficultés que ceux de Grion ont formé contre le comissaire Antoine Veillon en 1592 pour s'exempter d'être reconus en quelque sorte comme taillables, ou leurs biens comme sujets à mainmorte, ce qui n'a cependant pas empêché que ce commissaire ne les aye fait reconoître de la sorte ; et quelques autres difficultés formées par le sindic de Grion en 1584, prétendant que la commune ne devoit entrer pour rien dans les affaires de la grand taille, mais seulement les particuliers, <page 676> (on peut voir ces commencemens de procés dans deux anciens manuscrits, cottés sous les nombre 14 et 15 [37/1/14 et 15]), lesquelles difficultés on ne voit pas avoir été finies pour lors : il est certain dis-je, qu'excepté ces petites difficultés, ceux de Grion n'ont jamais, depuis la sentence du duc Amédé en 1425, refusé de payer à l'Abbaye la grande taille ni pensé à produire aucun acte particulier d'affranchissement pour cela jusqu'à l'anée 1724, quoiqu'ils ayent assés grondé quelques fois qu'on n'eut pas assés d'égard pour les arrêts souverains qui ordonnoient aux seigneurs d'affranchir leurs taillables ; sur quoi cependant ils n'ont guère insisté, par comme on l'a dit à l'art. précédent, parce qu'ils savoient bien qu'à teneur de ces arrêts les seigneurs vassaux n'étoient obligés de faire ces sortes d'affranchissemens, qu'à condition qu'on se rachetât soi-même en convenant avec eux de la somme réglée par les mêmes arrêts pour obtenir ces sortes d'affranchissemens.


Procès à l'occasion de 100 florins dus pour la grande taille par la commune de Grion, comencé en 1724, repris et fini en 1726.


SUPPLIQUE DE CEUX DE GRION A LL. EE. : 1724. La commune de Grion donc, après avoir constamment fait la sourde oreille aux offres que l'Abbaye lui avoit souvent fait d'affranchir les personnes et les biens taillables rière cette jurisdiction, crut enfin en 1724 qu'elle pourroit atteindre à ce but sans qu'il lui en coutât rien. Elle commença d'abord par tâcher de se décharger de la redevance annuelle de 100 florins qu'elle avoit toujour payé pour la grande taille. Pour y réussir, elle s'addressa immédiatement à LL. EE. de Berne et leur représenta, que l'abbaye de Saint-Maurice leur faisoit payer une redevance annuelle de 100 florins pour une prétendue grande taille, sans leur montrer aucun titre valable sur lequel elle fut fondée et qu'en outre de telles taillabilités étoient contre les usages du pays et les ordonnances souveraines et qu'ainsi la dite commune supplioie LL. EE. de la délivrer de cette servitude.

5 documents cotés :
CHA 37/1/14~01
CHA 37/1/14~02
CHA 37/1/15~01
CHA 37/1/15~02
CHA 37/1/15~03

 

37/1/16
Rescript de LL. EE. cotté cy-après p. 57 à n° 4 à l'art. 4 [39/4/4]

L'Abbaye eut ordre de faire parvenir à Berne ses raisons, ce qui fut fait. Ensuitte, il y eut une commission établie pour examiner cette affaire sans cependant que les parties fussent obligées de comparoître ; et le résultat de cette commission fut que LL. EE. portèrent le 22 avril 1724 une sentence par laquelle Elles condamnoient la commune de Grion à continuer de payer la prédite cense aussi longtems et jusqu'à ce qu'elle fisse voir par des documens authentiques qu'elle ne doit plus rien à cette occasion. Je n'ai encore vu les actes de cette espèce de 1ère procédure mais les parties sont convenues ensuitte de ces faits principaux, savoir dans la nouvelle débatue de ce procès recomencée en 1726.

COMMENCEMENT DU PROCES : 1726. En effet, malgré l'onéreuse nécessité ou la prédite sentence mettoit la commune de Grion de faire conster authentiquement qu'elle étoit déchargée de ladite redevance de 100 florins pour la grande taille, elle ne tarda pas à rentrer en lice. Le sindic de Grion refusa au comencement de janvier 1726 à M. Claret, pour lors procureur de la maison, de lui payer les 100 florins échus pour la grande taille. Celui-ci demanda au seigneur gouverneur d'Aigle un mandat de citation du 13 mars contre ledit sindic pour paroître en chambre gouvernale le 20e mars et y produire ses raisons de refus s'il ne payoit auparavant lesdits 100 florins.
Le sindic de Grion comparut au jour marqué et produisit l'acte d'affranchissement fait à ceux de Grion par le sacristain en 1604 d'un petit fief en partie taillable pour la somme de 2000 florins, réduits en obligation cancellé en 1606 et qu'il produisit aussi. Cet acte d'affranchissement est le même qu'on a extrait ci-dessus à l'art. fief de la sacristie p. 5 [36/2/5]
Par la production de cet acte le dit sindic prétendoit qu'il satisfaisoit à ce qu'avoit exigé la sentence souveraine de 1724 et qu'il prouvoie suffisamment <page 677> que ceux de Grion avoient été, dès 1606, déchargés totalement, non seulement de toute taille et taillabilité, mais même de toute redevance annuelle à ce sujet et que si la commune de Grion avoit encore dès lors continué à payer annuellement 100 florins pour la grande taille, cela étoit arrivé par abus et parce qu'elle avoit ignoré ce titre d'affranchissement.

4 documents cotés :
CHA 37/1/16
CHA 37/1/16~01
CHA 37/1/16~02
CHA 37/1/16~03

 

37/1/19
Procédure du procès de la grande taille
1736

C'est ainsi que commença ce procès que l'on débattit après vivement de part d'autre dans les audiences du 8 may 22e dit, 26 juin et 14 aoust ains qu'on le voit dans la procédure expédiée à ce sujet, cottée ici n° 19 [37/2/19].

ETAT DE LA QUESTION. Toute la question rouloit entre les parties, savoir si l'acte d'affranchissement fait en 1604 par le sacristain de l'Abbaye ou par son procureur concernoit toute taille et taillabilité que l'Abbaye ou l'Abbé avoient jamais pu prétendre rière Grion aussi biens que l'extinction de toute redevance qui en avoit pu provenir ; ou si plutôt, laissant intact les droits que l'Abbé ou l'Abbaye avoient pu avoir rière Grion au sujet de la grande taille et de la taillabilité, cet acte ne devoit s'entendre que d'un fief particulier attaché à la seule sacristie et de quelques persones ou biens taillables de la dite sacristie.

RAISON DE L'ABAYE. M. le Procureur de l'Abbaye, actrice, prétendoit dans sa demende et sa replique, que le dit acte ne pouvoit donner aucune atteinte aux droits de l'Abbé et devoit être uniquement restraint au fief en partie taillable de la sacristie et il le prouvoit :

1° par la narrative de cet acte, où le sacristain paroît seul de son côté comme partie contractente ; où il ne s'agit que des droits et du fief de la sacristie consistant en quelques graines et deniers, etc., où il étoit question d'appaiser un procès, pendant que ceux de Grion ne faisoient alors aucune difficulté de payer les 100 florins pour la grande taille, qu'ils reconnoissoient actuellement cette redevance ;
2° par la distinction qu'il y a entre la grande taille due à l'Abbaye et le dit fief du sacristain, ces deux droits ayants toujours été reconnus chacun à part, sous des commissaires différens, en faveur des personnes différentes et par des personnes différentes ; la commune de Grion prêtant depuis 1604 quernet à LL. EE. pour l'un et l'Abbé pour l'autre, l'un étant considérable et l'autre de peu de conséquence, l'un continuant à être reconnu par ceux de Grion, et l'autre non, etc.

RAISONS DE CEUX DE GRION [Gryon]. Le sindic, au contraire de Grion, prétendoit que l'acte d'affranchissement de 1604 comprenoit aussi la grande taille et tout droit de taillabilité en faveur de l'Abbé sur ceux de Grion :

1° parce que l'acte exempte de toute taillabilité ;
2° que le sacristain ou son procureur agissoit aussi comme procureur de l'Abbé et de l'Abbaye ;
3° parce que l'Abbaye et l'Abbé avoient ratifié et approuvé cet acte comme fait à leur nom ;
4° parce que le sacristain étoit ordinairement regardé comme le procureur de l'Abbé ;
5° parce que les droits de la sacristie et de l'Abbé devants être confondus et envisagés comme une même chose, puisqu'ils appartenoient à la même maison et au même corps, il faudroit que le procureur de l'Abbaye produisit un acte authentique approuvé et loodé par LL. EE. et différent dans sa nature et dans ses circonstances de celui de 1604, s'il veut qu'on continue à payer les 100 florins en question ; acte cependant qu'il n'a jamais produit , etc.

SENTENCE GOUVERNALE. On peut voir toutes ces déduites dans la procédure susmentionée, lesquelles étant achevées, le jour pour entrendre le jugement fut assignée pour le 19e septembre 1726. La sentence du Seigneur Gouverneur et de ses assesseurs condamna la commune dans le principal et aux frais, comme n'ayant point satisfait au dispositif de la sentence de LL. EE. de 1724 en produisant des titres authentiques pour être acquittée des 100 florins annuels pour la grande taille. Cette sentence est assés bien motivée. Cependant, le sindic, qui avoit été muni d'une procure de sa commune le 20 de may pour pousser ce procès, en appella le 27 de septembre.

SENTENCE A BERNE. Cet appel se poussa à Berne le 28 novembre même année 1726 par devant le tribunal des appellations allemandes, où la sentence de la chambre gouvernale d'Aigle fut confirmée et ceux de Grion condamnés aux frais de la procédure sous modération. Ces frais sont montés après modération à 1258 florins et ont été payés en 1727 non sans des murmures d'une partie de ceux de Grion, qui s'étoient juridiquement opposés à l'appel à Berne et avoient protesté contre les frais qui se feroient <page 678> comme il conste par un mandat gouvernal du 8e novembre 1726 inséré avec les autres actes de cette procédure, à la fin de laquelle se trouvent la sentence autentique de la chambre gouvernale, et une simple copie de celle de Berne, dont l'original allemand avec sa copie françoise se trouvera avec les originaux ci-dessus, cottée n° 16, paquet 1er tiroir 37 [Sentence souveraine sur la grande taille de Grion : 37/1/16].


Procès agité à Aigle et à Berne en 1732 au sujet du remboursement du prétendu capital de 2000 florins pour réemption de la cense annuelle de 100 florins due pour la grande taille de Grion [Gryon].


Ceux de Grion, voyants qu'ils n'avoient pu réussir en 1726 d'abolir chés eux la grande taille et toute espèce de taillabilité, crurent pouvoir mieux remplir ce dessein en forçant l'Abbaye d'accepter la somme de 2000 florins comme capital des 100 florins qu'ils étoient abligés de lui payer anuellement pour la grande taille et de leur remettre en même tems les titres originaux de cette redevance, affin d'éteindre ainsi et le poid insupportable et la mémoire odieuse de la dite grande taille.

SUPPLIQUES DE GRION A L'ABBE, ENSUITE A LL. EE. Pleins de ces idées flatteuses, ils commencèrent dès l'entrée de l'anée 1732 à présenter à M. l'abbé Charleti [Louis-Nicolas Charléty] suppliques sur suppliques pour l'engager à leur accorder de bonne grâce son consentement pour le remboursement de ce prétendu capital : mais ne l'ayant pu obtenir, ils eurent recours comme ils en avoient menacé à LL. SS. EE., qui par un rescript du 10 may, ordonèrent à ceux de Grion de présenter encore une fois les 2000 florins à M. l'Abbé, et en cas de refus de consigner cette somme entre les mains du juge des 4 mandements qui devra faire convenir les parties, les entendre en contradictoire et porter sa sentence sous bénéfice d'appel à la partie grevée. C'est là le sens de ce rescript.

INTRODUCTION DU PROCES. Le contenu de ce rescript fut intimé, en l'absence de M. l'Abbé, à M. le procureur Claret avce assignation du 18 juin pour paroître devant le seigneur gouverneur d'Aigle. M. le procureur demanda un délais pour aviser M. l'Abbé sur la réponse à faire à ce mandat, ce qui ayant été refusé ledit 18, aussi bien que le tems d'attendre la tenue du Chapitre ordinaire, M. l'abbé Charléti donna le 23 dit procure à M. le procureur pour suivre à cette affaire.

Il comparut à la chambre gouvernale d'Aigle le jour assigné, 2e de juillet et produisit sa réponse avec les titres qui y étoient cottés consentant avec la contrepartie à ce qu'on jugeât le même jour, si la chambre le jugeoit à propos : mais celle-ci voyant la longueur de cette réponse et la multitude des documens produits, elle renvoya les parties à la quinzaine. à l'extra.

De tous les écrits qui ont sans doute été produits et faits de part et d'autre pour soutenir ce procès, il ne nous reste que la supplique de ceux de Grion addressée à LL. EE. de Berne et la réponse du procureur de l'Abbaye dont on vient de parler ; mais ce n'est assés pour comprendre en quoi consistoit le point de la difficulté et le jugement qu'on en peut porter.

PRETENTION DE CEUX DE GRION [Gryon]. La commune de Grion prétendoit contre l'Abbaye que celle-ci étoit obligée de recevoir 2000 florins que celle-là lui offroit pour 100 florins qu'elle devoit et payoit annuellement et cela pour deux raison :

1° parce que ces 2000 florins étoit, à ce qu'elle disoit, un capital par où elle supposoit que les 100 florins annuelle n'étoient que des intérests ;
2° parce que ces 2000 florins étoient le prix de l'affranchissement d'un fief appelé la grande taille, dont ceux de Grion vouloient s'acquitter pour être délivrés comme ceux d'Ollon et de Lavey, du caractère odieux de taillables conformément aux arrêts souverains. C'est ainsi que la commune avoit informé LL. EE.

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REPONSES DE L'ABBAYE. Le procureur de l'Abbaye prétendoit au contraire qu'on ne pouvoit pas la forcer à accepter les 2000 florins et répondoit aux susdits fondemens de la commune :

1° que ladite commune devroit prouver qu'il y ait eu un capital fixé de 2000 florins entre l'Abbaye et elle et en produire l'acte où il fut encore réservé que ce capital dût être rédimable, mais qu'elle n'en produisoit point et qu'on la deffioit de prouver ce capital et qu'ainsi estoit gratis qu'elle prétendoit obliger l'Abbaye à la recevoir. Bien plus, ajoutoit le procureur, il ne pouvoit être qu'il y eût jamais eu un capital rédimable de la taille puisque tous les abbés prêtoient quernets de 100 florins pour annuels pour la taille à LL.EE. et que ce n'étoit pas l'usage de prêter jamais reconnoissance pour un intérêt d'un capital dont on peut se racheter. Ledit procureur ajoutoit qu'il étoit vrai qu'au cinq pour cent, cent florins sont l'intérêt de deux mille ; mais que cela ne démontroit pas qu'il y eût eu un pacte entre l'Abbaye et la commune par lequel ceux de Grion se fussent obligés de payer cent florins en attendant le remboursement du capital qu'autrement chaqu'un pourroit se rédimer des cens directs d'un fief en en payant le capital à raison du cinq pour cent, ce qui étoit ridicule.
Quand au second fondement de ceux de Grion, ledit procureur répondoit qu'il étoit faux que les 2000 florins en question fassent le prix de l'affranchissement de la taille puisque cet affranchissement n'avoit jamais eu lieu et ne pouvoit l'avoir eu par les raisons rapportées ci-dessus et vu surtout les reconnoissances et les quernets.
2° que les 100 florins annuels n'étoient ni un intérêt d'un capital de 2000 florins comme on l'a vu ci-dessus, ni une cense rédimable assurée sur des hipothèques réelles puisque toutes les censes rédimables dans toutes les reconnoissances précèdent la pièce qui est l'hipothèque, savoir : un tel confesse devoir..., à savoir.... en et sur..., payable jusqu'à réemption..., ce qui n'a pas lieu ici.
3° que ces cents florins sont donc un cens feudal et par conséquent irrédimable provenant du fief de la grande taille qui, en effet, a grand nombre d'assignaux dans quatre rénovations consécutives jusqu'à ce tems, comme on peut les y voir, chaque pièce y étant désignée et ensuitte assujettie au payement de sa rate-part de la grande taille, ce qui marque un vrai assignal de fief ;
4° que par la réunion de ces rate-parts de tems immémorial, la commune a été chargée et condamnée à payer annuellement cent florins à teneur des sentences souveraines pour ce rendues, tant par le duc de Savoye, 1425, que par LL. EE. de Berne, 1724 et 26 ;
5° que ce cens feudal n'étoit pas rédimable précisement parce qu'il porte le nom de taille, puisque si cela étoit il faudroit éteindre une bone partie des fiefs, dont les cens feudeaux étoient dus pour des pièces reconnues autrefois en fief taillable et portoient le nom de taille avant l'affranchissement et subsistent cependant encore aujourd'hui après l'affranchissement, quoique sous un autre nom, savoir de service, rente ou cens etc. en sorte que le seul nom de la redevance a changé et non la redevance même.

De tous ces principes, M. le procureur concluoit que ce cens annuel de 100 florins étoit de sa nature absolument irrédimable sans le consentement très libre de l'Abbaye ; que les arrêts souverains en faveur de l'affranchissement de la taillabilité ne s'étendoient nullement à l'extinction de ces sortes de cens feudaux quoique prenants leur origine dans un fief taillable ; mais qu'ils tendoient uniquement à l'abolition du nom de taillable dans ces sortes de fiefs et à l'affranchissement de la taillabilité personelle, soit de celle qui fait que les biens d'une personne taillable font échute et commise au seigneur lorsqu'elle meurt sans enfans propres et légitimes ; que c'est ainsi qu'avoient été traittés ceux d'Ollon et de Lavey à teneur de dites ordonnances (voyés ces affranchissemens parmi les copies des titres de ces procès) ; que l'Abbaye offroit et avoit toujour offert la même chose à ceux de Grion ; mais nullement de les affranchir des cent florins annuels qui étoient un cens feudal irrédimable de sa nature à cause du fief de la grande taille.

13 documents cotés :
CHA 37/1/19~01
CHA 37/1/19~02
CHA 37/1/19~03
CHA 37/1/19~04
CHA 37/1/19~05
CHA 37/1/19~06
CHA 37/1/19~07
CHA 37/1/19~08
CHA 37/1/19~09
CHA 37/1/19~10
CHA 37/1/19~11
CHA 37/1/19~12
CHA 37/1/19~13

 

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37/1/17
Sentence gouvernale contraire

Malgré ces réponces très solides du procureur de l'Abbaye, la chambre gouvernale d'Aigle jugea le 15 novembre 1732 qu'il constoit à la vérité que la redevance de cent florins prenoit son origine de la grande taille ; mais que ledit procureur n'ayant prouvé par aucun acte, que ce cens fut irrédimable, ceux de Grion étoient dans le cas des ordonances souveraines, et qu'ainsi ils avoient droit de s'en affranchir en payant les deux mille florins en question, condamnant l'Abbé à retirer le dépôt de ce capital et aux frais. Cette sentence est cottée ici n° 17 [37/1/17].

M. le procureur obtint bientôt un mandat d'appel du 21 novembre duement intimé le 24 dit pour paroître à Berne devant le président des appellations allemandes vers le 15 janvier 1733.

1 document coté :
CHA 37/1/17

 

37/1/18
Sentence révocatoire de la précédente par la Chambre Oeconomique de Berne
1732

Cependant, ce terme fut abbrégé et la Chambre Oeconomique pour le pays allemand, à qui le jugement sur cet appel fut déféré par le Sénat à cause de l'arrière-fief de LL. EE. qui étoit intéressé dans cette cause, révoqua le 19 décembre 1732 la sentence de la Chambre gouvernale d'Aigle et jugea que l'Abbé avoit bien et duement appellé, condamnant le sindic de Grion aux dépends sous modération.

Cette sentence est très bien motivée, distinguant parfaitement les cas où les ordonances souveraines sur l'affranchissement des taillables ont lieu, aussi bien que les deux espèces de taille, savoir : personelle, qui est seule l'objet des dites ordonances, et réelle, d'où provient la redevance des cent florins que ces ordonances ne regardent pas etc.

Cette sentence avec sa traduction françoise est cottée ici n° 18 , paquet 1er, tiroir 37 [37/1/18].

2 documents cotés :
CHA 37/1/18~01
CHA 37/1/18~02