INTRODUCTION

 


I

Origines, domination romaine.

 

Les premiers renseignements donnés par les anciens auteurs sur l'origine des Helvétiens, sont vagues et contradictoires. Tacite considère les Helvétiens comme une nation gauloise, gens gallica, expression qui est susceptible d'être interprétée de diverses manières. Dion Cassius semble dire qu'ils étaient venus de la Germanie, et la question resterait plus ou moins douteuse, si elle ne pouvait être résolue que par la comparaison des textes grecs et latins.

Mais les progrès des sciences modernes ont ouvert de nouveaux horizons sur le passé, et l'on est en droit d'espérer que les résultats combinés de l'archéologie, de la linguistique et de l'ethnographie, ne tarderont pas à jeter de nouvelles lumières sur certaines parties des temps anté-historiques. L'archéologie a fait de grands pas pendant les dernières années, particulièrement en Suisse; car la découverte des bourgades ou cités lacustres dont on s'occupe depuis quelque temps, a fourni des renseignements fort inattendus sur les moeurs et les habitudes des anciens peuples de l'Helvélie. Il est vrai que les observations recueillies ne nous permettent pas encore de nous prononcer, avec une entière certitude, sur l'origine des peuplades sans nom qui ont laissé dans nos lacs et dans nos tourbières les innombrables débris de leur industrie naissante. Nous ne pouvons, à cet égard, faire autre chose que de hasarder quelques conjectures, dont des recherches ultérieures viendront peut-être quelque jour permettre d'apprécier la valeur. Mais il n'en est pas moins certain qu'il y a là tout un ordre de faits positifs qu'il importe de constater, que ces découvertes ont reculé de bien des siècles le point de départ de nos connaissances, et que désormais notre histoire doit commencer par la description de ce que l'on sait des moeurs de ces âges primitifs, où l'usage des métaux était encore totalement inconnu. On doit même remarquer dans ces anciens âges, dont l'antiquité ne peut être mesurée avec exactitude, l'existence des premiers procédés de l'agriculture, manifestée par la présence du froment, de l'orge et du lin. On peut suivre la série des développements de l'industrie humaine, marqués successivement par l'introduction du bronze, par celle du fer, et par les modifications qui s'opérèrent dans les races animales, soit par l'extinction de certaines races sauvages, soit par l'introduction de nouvelles races domestiques. On peut enfin arriver à se former quelque idée des procédés de cette civilisation peu connue, qui précéda en Occident la civilisation romaine. Mais ce n'est pas ici le lieu de nous arrêter sur ces questions, qui sont étrangères à notre sujet, et nous prenons les choses au moment où les Helvétiens ccmmencent à figurer activement dans l'histoire, à l'époque de la guerre des Cimbres.

Environ 113 ans avant Jésus-Christ, les Cimbres et les Teutons furent chassés du nord de la Germanie par des tremblements de terre et des inondations. Ils descendirent comme un torrent dévastateur, emmenant avec eux leurs femmes et leurs enfants, et vinrent s'abattre sur la province norique, où ils se trouvèrent pour la première fois en présence des armées romaines. De là ils se transportèrent dans les vallées de l'Helvétie, et la vue des riches dépouilles dont ils étaient chargés enflamma la cupidité des Helvétiens. Trois des tribus, ou cantons, qui composaient ce dernier peuple, se joignirent aux hordes des Cimbres et des Teutons.

La première était celle des Tigurins, dont le lieu de résidence n'est pas encore exactement connu. Une certaine ressemblance dans les noms, et l'existence d'une prétendue inscription trouvée à Kloten, avaient engagé autrefois les historiens à placer les Tigurins dans le canton de Zurich. Mais on possède actuellement la preuve certaine que, à l'époque de la domination romaine, la station de Zurich portait le nom de Turicensis (Mommsen, Inscriptiones Helveticoe, N° 236), et il est évident qu'il n'existe entre ce mot et celui de Tigurinus, qu'une ressemblance fort éloignée qui ne présente rien de sérieux. On s'est assuré aussi que l'inscription de Kloten était apocryphe. En revanche, il existe à Villars-les-Moines, près d'Avenches, une inscription parfaitement authentique, dédiée au génie du canton des Tigurins (Genio pagi Tigor. Mommsen, N° 159. — Levade, Dict. du canton de Vaud, pag. 28.), et qui permet de supposer que le canton lui-même était situé dans les environs d'Avenches. Cette dernière supposition concorde d'ailleurs assez bien avec la proximité du lieu qui fut le théâtre du principal exploit des Tigurins ; nous voulons parler de la victoire qu'ils remportèrent près des rives du lac Léman. Elle expliquerait aussi, jusqu'à un certain point, pourquoi sous les Romains la ville d'Aventicum devint la capitale de toute la nation. Ainsi donc, à moins qu'on ne juge plus prudent de demeurer dans le doute, il faut reconnaître que c'est plutôt à la Suisse occidentale qu'appartient l'honneur d'avoir donné naissance aux guerriers illustrés par le pinceau de Gleyre. Cette manière de voir, qui n'est point nouvelle, tend à s'accréditer chaque jour davantage. Elle mériterait d'être développée avec plus d'étendue que nous ne pouvons le faire dans cet écrit.

La seconde tribu était celle des Tugènes, que l'analogie des noms fait placer dans les environs du canton de Zug, ou peut-être dans le Toggenbourg. La troisième n'est pas nommée par les anciens historiens, mais quelques auteurs modernes estiment que cette tribu était celle des Ambrons, qui fournit à elle seule huit mille guerriers à l'armée envahissante, et qui se distingua par sa vaillance. Nous reviendrons bientôt sur ce sujet.

Les Tigurins, sous la conduite du jeune Divicon, se chargèrent d'envahir le territoire des Allobroges. Ils rencontrèrent le consul Cassius à la tête de son armée, et furent d'abord contraints de battre en retraite jusqu'à une étendue d'eau qu'Orose désigne sous le nom d'Océan, et qui ne peut être que le lac Léman. Là les Romains tombèrent dans une embuscade et furent taillés complètement en pièces. Le consul Cassius et son lieutenant Pison furent tués ; les débris de l'armée vaincue furent condamnés à livrer la moitié de leurs biens, à fournir des otages et à passer honteusement sous le joug des Helvétiens. Pareille ignominie n'avait encore été infligée qu'une seule fois aux Romains.

Après plusieurs victoires remportées successivement sur les
Romains, l'armée des Cimbres, à laquelle s'étaient joints les Tugènes et les Ambrons, rencontra Marius dans les plaines de la Provence, et fut totalement battue dans les enviions de la ville d'Aix. Cette bataille fut une vraie boucherie, car on évalue à cent ou deux cent mille le nombre des cadavres qui restèrent sur le terrain. Les barbares furent presque entièrement détruits, et, par un héroïsme sauvage, leurs femmes se donnèrent elles-mêmes la mort ainsi qu'à leurs propres enfants.

Une circonstance mémorable se fit remarquer dans ce combat. A la première attaque, les Ambrons se précipitèrent sur les Romains, en poussant leur cri de guerre Ambra, Ambra! De leur côté, les Liguriens, qui combattaient pour les Romains, répondirent en poussant le même cri, et furent fort étonnés de l'entendre proférer par leurs adversaires (Plutarch. in Mario). Les commentateurs ont été très embarrassés pour expliquer cette singulière similitude des cris de guerre, et plusieurs systèmes ont été mis en avant pour arriver à la solution de ce problème. L'un de ces systèmes est celui de M. Amédée Thierry, qui estime que les Ambrons et les Liguriens descendaient également des anciens Ombres, nation d'origine gauloise (Bocchus absolvit Gallorum veterum propaginem Umbros. Solinus, Poly. hist. c. 8. — Servius in Aen. lib. XII, v. 753. — Isidore, lib. IX, c. 2.), qui avait envahi l'Italie à une époque très reculée, et qui en fut chassée par les Etrusques environ onze siècles avant l'ère chrétienne. Les Ombres s'étaient réfugiés, à ce que présume le savant historien français, les uns dans les hautes vallées de la Ligurie, les autres dans les montagnes de l'Helvétie. Ce système peut rendre compte de la similitude de langage qui se fit remarquer dans le combat livré contre Marius, mais il a le défaut de ne pas reposer sur des bases suffisamment positives, et de ne consister que dans un ensemble assez compliqué de conjectures ingénieuses. — Un autre système plus simple a été mis en avant par le P. Oudin et développé par Loys de Bochat (Mémoires sur l'histoire ancienne de la Suisse, tome II, pag. 586.). Il consiste à dire que les Ambrons occupaient la province située sur la rive droite du Rhône, à laquelle on a donné plus tard le nom de pays des Ambarres, et qui est connue actuellement sous le nom de Bugey. On remarque dans cette province les villes d'Ambronay et d'Ambérieux, dont le nom présente effectivement beaucoup de ressemblance avec celui des Ambrons. Hâtons-nous cependant d'ajouter que toutes ces explications ne peuvent être considérées que comme des hypothèses plus ou moins douteuses.

Nous ne nous étendrons pas sur les autres péripéties de la guerre des Cimbres, qui dura douze ans, et dans laquelle six armées romaines et deux armées barbares furent successivement anéanties. Le dernier acte de cette sanglante expédition se dénoua dans les plaines de l'Italie, où l'armée des Cimbres fut totalement exterminée par Marius. Les Tigurins, qui étaient restés en observation dans les Alpes noriques, rentrèrent sains et saufs dans leurs foyers. La tribu des Tugènes et celle des Ambrons avaient été complètement détruites dans la bataille d'Aix, si toutefois il est exact d'admettre que ces tribus eussent émigré dans leur entier. (Voyez, sur ce sujet, l'excellente dissertation de J. de Muller, intitulée Bellum Cimbricum, et le récit de la même guerre par M. Amédée Thierry, Hist. des Gaulois, livre V, chap. 1.)

Un demi-siècle plus tard, les Helvétiens, poussés par leur chef Orgétorix, conçurent le projet téméraire d'envahir la Gaule et de s'y établir. Les événements de cette désastreuse campagne sont trop connus pour qu'il soit nécessaire de les retracer ici, d'autant plus qu'ils viennent d'être l'objet d'une étude détaillée de la part de M. de Saulcy. Nous rappellerons cependant que le vieux Divicon qui, cinquante ans auparavant, avait fait passer les Romains sous le joug, se trouvait encore à la tête des Helvétiens, et fit voir à César qu'il n'avait point perdu le feu de son héroïque jeunesse. Mais ni la bravoure impétueuse, ni le nombre, ne purent l'emporter sur la savante discipline des vieilles légions romaines, et les Helvétiens, vaincus près de Bibracte, furent obligés de rentrer dans leurs foyers, après avoir perdu les deux tiers de leur monde. On s'en assura par l'examen des tables de recensement, qui furent trouvées dans le camp des vaincus. Ces tables étaient écrites en caractères grecs, et prouvèrent que les Helvétiens à eux seuls comptaient 285 mille têtes. Dans ce nombre n'étaient point compris les contingents fournis par les nations auxiliaires qui s'étaient jointes à l'expédition.

L'emploi des caractères grecs peut paraître ici assez extraordinaire, mais on sait que l'usage de ces caractères était répandu dans les Gaules, en même temps que celui des caractères latins, et leur emploi nous est parfaitement connu par les monuments de la numismatique. On retrouve, à la même époque, le nom d'Orgétorix inscrit sur les monnaies frappées à l'occasion de son alliance avec les Eduens. La plus curieuse de ces monnaies est celle qui présente la figure d'un ours parfaitement reconnaissable, et l'on ne peut s'empêcher de signaler la singulière coïncidence qui se rencontre entre cet emblème et celui qui figura plus tard dans les armoiries de la ville de Berne (De la Saussaye, Monnaies des Eduens, Paris 1846, broch. in-8.)

D'après César, la nation helvétienne était divisée en quatre cantons ou pagi, au nombre desquels il ne nomme que les Tigurins et les Verbigènes ou Urbigènes. Nous avons déjà parlé
précédemment des Tigurins. Quant aux Verbigènes ou Urbigènes, on ne sait trop où fixer leur résidence. On les avait autrefois placés dans les environs de Soleure, à cause d'une inscription qui y avait été trouvée, et dans laquelle on avait cru reconnaître leur nom. Mais la lecture de cette inscription a été rectifiée (Mommsen, N° 220), et l'on est de nouveau dans le doute à ce sujet, à moins qu'on ne veuille, ce qui est très naturel, trouver une analogie entre le nom des Urbigènes et celui de la ville d'Orbe. Nous avons vu plus haut que, lors des guerres des Cimbres, les Helvétiens étaient divisés en trois cantons, dont deux paraissent avoir été plus ou moins anéantis pendant ces mêmes guerres. On se demande comment on peut concilier cette division avec celle qui est mentionnée plus tard par César. Il règne malheureusement sur toutes ces questions une obscurité faite pour désespérer ceux qui cherchent dans l'histoire une certitude absolue.

La domination romaine étendit son joug sur les débris de la nation que César avait renvoyée dans ses foyers, et ne tarda pas à lui faire oublier la perte de sa liberté par les avantages matériels d'une civilisation brillante. C'est alors qu'on vit fleurir les villes d'Avenches, d'Yverdon, d'Orbe, de Nyon et de Genève. C'est alors qu'on vit s'ouvrir ces magnifiques routes impériales, dont on retrouve partout les impérissables vestiges. Les itinéraires romains nous font connaître les grandes voies qui traversaient l'Helvétie occidentale. La première tendait de Milan à Mayence, en passant par le grand St. Bernard, Martigny, St. Maurice, Vevey, Moudon, Avenches, Soleure et Bâle. La seconde partait aussi de Milan pour se rendre à Strasbourg, en traversant le petit St. Bernard, la Savoie, Genève, Nyon, Lausanne, Orbe et Besançon. Deux autres voies moins importantes étaient celle qui conduisait d'Avenches à Besançon en passant par Yverdon, et celle qui conduisait de Vevey à Lausanne. Ces deux dernières voies, qui ne sont pas marquées dans l'itinéraire d'Antonin, nous sont indiquées par les cartes connues sous le nom de tables theodosiennes. L'examen des nombreuses pierres milliaires trouvées sur notre sol nous fait connaître encore d'autres routes secondaires, qui reliaient entre elles les villes de Lausanne, de Moudon et d'Yverdon.

On a trouvé à Amsoldingen et à Sion, deux pierres milliaires très remarquables, qui ont jusqu'ici mis en défaut la perspicacité des savants. La première indique VII lieues à partir d'Avenches, la seconde indique XVII lieues à partir de la même ville (Mommsen, Nos 309 et 310.). Ces distances n'étant point en rapport avec les longueurs mesurées sur les voies connues, il faut supposer, ou bien que ces milliaires ont été transportés loin de leur emplacement primitif, ce qui n'est guère vraisemblable, ou bien qu'ils ont été destinés à marquer une route jusqu'ici inconnue, allant d'Avenches à Sion par le passage du Sanetsch, et qui de là se rendait dans le Tessin en traversant le Simplon. Cette dernière supposition est autorisée par l'existence d'une troisième pierre milliaire trouvée dans le Val d'Ossola (Idem, pag. 64.), et par le rapport exact qui se trouve entre le nombre des lieues marquées sur les pierres et les distances effectives comptées sur cette route. Mais il reste encore à expliquer l'emploi d'une mesure itinéraire beaucoup plus grande que les mesures connues à cette époque, et nous avouons que nous n'avons pas encore trouvé la solution de ce problème.

Nous ne nous étendrons pas plus longuement sur cette période, et nous dirons seulement que la ville d'Aventicum portait le titre de capitale de la nation, caput gentis, lorsque les Helvétiens, ignorant la mort de l'empereur Galba, se soulevèrent contre les Romains. Ce soulèvement fut promptement réprimé par le cruel Cécina, et Alpinus, un des principaux des Helvétiens, paya de sa tête son dévouement à la chose publique.
Peu d'années après, la ville d'Aventicum fut restaurée et embellie par Vespasien et par son fils Titus, qui lui portaient, dit-on, une affection toute particulière. Suétone explique cette dernière circonstance, en disant que le père de Vespasien avait exercé l'usure ou la banque chez les Helvétiens, qu'il était mort dans leur pays, et qu'il y avait laissé sa femme et ses deux fils (Postea foenus apud Helvetios exercuit, ibique diem obiit, superstitibus uxore Vespasia Polla et duobus ex ea liberis : quorum major Sabinus ad proefecturam urbis, minor ad principatum usque processit. Suétone, lib. VIII, cap. I.). Fréculphe rapporte à cette occasion que Titus donna le nom de Galilée à la contrée d'Aventicum, à cause de la ressemblance qu'elle présentait avec le pays dans lequel il s'était illustré par ses victoires. Cette assertion avait été admise jusqu'ici sans difficulté, malgré ce qu'elle présentait d'insolite. Mais une découverte récente nous a conduit à élever quelques doutes sur son exactitude. Nous avons expliqué ailleurs (Indicateur d'histoire et d'antiquités suisses. Zurich décembre, 1859.) qu'il nous paraissait probable que Fréculphe avait été induit en erreur par le texte corrompu de Frédégaire, car on trouve dans plusieurs manuscrits de ce dernier auteur les mots de Galilea cisalpina au lieu de Gallia cisalpina, et l'on est en droit de supposer que c'est par une faute du même genre que Fréculphe a été amené à énoncer une idée, qui était d'ailleurs en harmonie avec les tendances religieuses de l'époque où il écrivait.

Il est évident que, sous les Romains, c'était la Suisse occidentale qui jouait le rôle principal, et qui fut le théâtre de la civilisation la plus avancée. Tout le démontre, le siège de la capitale, les faits racontés par les historiens, l'importance et l'abondance des monuments, le caractère de la langue, et jusqu'au nom de Suisse romane ou romande qui a subsisté jusqu'à nos jours.

Le christianisme avait peu à peu pénétré dans nos contrées, et il ne tarda pas à devenir la religion dominante. Les premières traces de son établissement sont assez difficiles à constater. Son introduction fut lente, progressive, et s'il n'était pas encore très répandu avant la fin du IIIe siècle, il dut au moins le devenir sous le règne de l'empereur Constantin. On cite, il est vrai, quelques traditions qui tendraient à faire attribuer une plus haute antiquité aux premières institutions chrétiennes. Le cartulaire de Lausanne parle de vingt-deux évêques ensevelis à Aventicum, et plusieurs auteurs font remonter la fondation du couvent de St. Maurice à une époque voisine du martyre de la légion thébéenne qui eut lieu le 22 septembre 302. Mais ces traditions ne sont pas accompagnées de preuves hors de toute contestation. Ce qui est plus certain, c'est que, d'après les données de l'histoire générale, il est à présumer que dans le courant du IVe siècle, des évêques furent institués dans nos principales cités, à Avenches, Genève, Octodurum (Martigny) et dans la cité des Rauraques. Nous en trouvons la preuve dans le fait que Justinien, évêque des Rauraques, assista en 346 au concile de Cologne, et que St. Théodore, évêque d'Octodurum, assista à ceux d'Aquilée et de Milan en 381 et 390. On sait de plus qu'il y eut, à la fin de ce même siècle, un évêque de Genève qui portait le nom d'Isaac. Il résulte également de la remarquable inscription de Sion, de l'an 377, qu'à cette époque le christianisme était publiquement reconnu, car on y voit le monogramme du Christ reproduit à l'occasion de la restauration d'un temple par le préteur Asclépiodotus. Il est vrai que le paganisme n'était pas encore complètement aboli, et que les anciennes superstitions druidiques et païennes conservaient de nombreux partisans dans les campagnes. Mais la religion nouvelle dominait dans les villes, et elle avait pour elle l'ascendant du progrès et de l'avenir.