INTRODUCTION

 

VIII

Réunion de la Bourgogne à l'empire germanique.

 

 

Ainsi finit le second royaume de Bourgogne, qui avait duré près de 150 ans, et les couronnes de Bourgogne et de Provence se trouvèrent réunies à l'empire germanique. L'empereur Conrad vint en personne en prendre possession, et fut couronné à Payerne, en février 1033. Mais il ne s'en rendit pas maître sans résistance, car il eut à combattre contre Othon, comte de Champagne, qui prétendait avoir des droits sur la Bourgogne, en sa qualité de neveu de Rodolphe III, et qui s'était emparé de Neuchâtel et de Morat. Conrad mit d'abord le siège devant cette dernière ville, mais il fut obligé de l'abandonner à cause de la rigueur de l'hiver. Il revint l'année suivante avec de nouvelles forces, s'avança jusqu'à Genève, où il fit sa jonction avec Héribert, archevêque de Milan, et avec les Italiens commandés par le comte Humbert. Il soumit Gérold, comte de Genève, ainsi que l'archevêque de Lyon; puis, revenant devant Morat, il s'empara de cette place et mit en déroute les partisans d'Othon. C'est probablement à cette époque qu'il faut rapporter le récit du poète Donizon sur la victoire remportée près de Morat par le marquis Boniface de Toscane. (Quelques auteurs ont cru devoir rapporter les faits racontés par Donizon à la date de l'an 1042. Mais celle que nous indiquons est préférable.) Après des détails singulièrement emphatiques sur la rigueur extraordinaire de l'hiver, le poëte italien raconte que Boniface attira l'ennemi dans un piège par une fuite simulée, et qu'après sa victoire il eut la barbarie de couvrir trois boucliers des oreilles et des nez coupés aux vaincus. C'est en vain, dit-il, qu'une noble dame avait offert au marquis une somme considérable d'argent pour la rançon de son fils qui était au nombre des prisonniers. Le cruel Boniface refusa de faire grâce, en disant, qu'il voulait qu'on se souvînt de sa victoire aussi longtemps que subsisterait le monde.

Le commencement du XIe siècle fut signalé par une profonde anarchie. La fin du monde, que l'on croyait devoir arriver en l'an mille, semblait annoncée par la dissolution générale de la société. La guerre, le brigandage, le pillage régnaient sur tous les points; la sécurité n'était nulle part. Le clergé trouva fort heureusement un remède à cet état de choses vraiment intolérable, en établissant la trêve de Dieu, qui fut instituée dans nos contrées peu de temps après la mort de Rodolphe III. Vers l'an 1036, Hugues, évêque de Lausanne, se réunit avec les archevêques de Vienne et de Besançon, accompagnés des évêques de leurs diocèses. Ils se rassemblèrent sur la colline de Montriond, près de Lausanne, et là, en présence d'une multitude immense, ils défendirent, sous peine d'excommunication, toute espèce de combat, dès le premier dimanche de l'Avent jusqu'à l'octave de l'Epiphanie, dès la Septuagésime jusqu'à la fête de Pâques, et pendant tout le reste de l'année dès le mercredi soir jusqu'au lundi matin. Il ne restait donc pour guerroyer que trois jours de la semaine, et cela seulement pendant une partie de l'année. L'énergie du remède démontre quelle était la grandeur du mal.

C'est de ce chaos que, sous la protection du pouvoir impérial, sortirent peu à peu les grandes institutions du moyen âge, la Noblesse, l'Eglise et les Communes. Ce fut, comme on l'a dit, une véritable renaissance, tout aussi remarquable dans son genre, que celle des XVe et XVIe siècles.