INTRODUCTION

 

XVII

Amédée V, comte de Savoie, Louis Ier et Louis II, seigneurs de Vaud.

 

 

Amédée V mérita le surnom de grand par son courage et sa persévérance. Dès le début de son règne, il eut à soutenir une guerre acharnée contre le Dauphin de Viennois, le comte de Genève et leurs partisans. Cette guerre, amenée par les discussions relatives à la succession de la maison de Faucigny, dura jusqu'à la fin de sa vie, et malgré les nombreux intervalles employés à travailler à une paix qui fuyait toujours, elle eut pour résultat de réduire à la détresse les états qui en furent le théâtre. La vie tout entière d'Amédée ne fut qu'une longue suite de combats. Il assista de sa personne à 35 assauts, et sur les 38 années de son règne, on assure qu'il n'y eut pas six années paisibles.

Amédée accorda, en septembre 1285, à la ville de Moudon, le renouvellement ou la confirmation des franchises dont elle avait joui sous ses prédécesseurs. On ne possède plus l'original de cette pièce importante, qui devint le type principal des franchises du Pays de Vaud, et qui s'est conservée jusque sous l'administration bernoise. Mais il n'y a pas lieu de douter de l'exactitude de la copie qui est parvenue jusqu'à nous, d'autant plus que c'est le même texte qui a été reproduit dans les franchises de Palézieux, données en 1344, et dans la confirmation de l'an 1359 qui s'étendit à la plupart de nos Bonnes Villes. On sait d'ailleurs que, même avant cette dernière date, les franchises de Moudon avaient été accordées à Nyon et à Grandcour en 1293, à Yverdon en 1328, à Orbe et Echallens en 1352. Mais le contenu même des franchises n'est pas textuellement rappelé dans les actes relatifs à ces dernières villes. L'étude des franchises de cette époque pourrait donner lieu à des développements étendus et intéressants. Mais ce n'est pas ici le lieu de nous en occuper. Nous espérons que ce sujet pourra être traité plus complètement, lorsqu'on procédera à la publication du texte même de ces documents essentiels.

Amédée s'empara en 1287 du château de l'Ile à Genève, où il n'avait jusqu'alors aucun droit, et se fit mettre en possession du vidomnat de cette ville. Mais il ne put y parvenir qu'après de longues contestations avec l'évêque.

En 1288, l'empereur Rodolphe vint mettre deux fois le siège devant la ville de Berne, qui avait excité son mécontentement par les mauvais traitements qu'elle avait exercés contre les Juifs, que l'empereur avait pris sous sa protection. Berne se défendit avec une rare énergie, força Rodolphe à lever le siège, et ne se soumit qu'après le sanglant combat de la Schosshalde, qui eut lieu le 22 avril 1289.

L'empereur vint à Morat dans les premiers mois de l'année 1291, et eut une entrevue à Cudrefin, avec Charles II, roi des Deux-Siciles. Celui-ci prononça, dans le mois de novembre de la même année, un arbitrage destiné à mettre fin à la guerre entre le comte de Savoie et le Dauphin de Viennois ; mais cet arbitrage n'eut pas de suite, parce que plusieurs seigneurs refusèrent de se soumettre au Dauphin de Viennois.

Rodolphe mourut le 15 juillet 1291, et Amédée profita aussitôt de cette occasion pour s'emparer de nouveau du protectorat de Berne, Payerne et Morat, ainsi que des seigneuries de Laupen et de Gumine, qui avaient été enlevées à son prédécesseur.

Amédée s'empara aussi de la ville de Nyon et des terres de Prangins, Bioley, Mont et Grandcour, qui appartenaient aux seigneurs de Prangins. Amédée revendiquait ces seigneuries en vertu de l'investiture qu'il avait reçue en 1289 de l'archevêque de Besançon, et il voulait punir les seigneurs de Prangins de ce qu'ils avaient embrassé précédemment le parti de l'empereur, auquel ils avaient prêté hommage en 1284. Ces nouvelles conquêtes furent cédées plus tard à Louis de Savoie, qui rendit en échange à son frère les terres de Conthey, Saillon et Riddes, situées dans le Valais. Ce fut à cette occasion que furent accordées les franchises de Nyon et de Grandcour, qui portent la date de l'an 1293.

La Suisse romane était d'ailleurs loin d'être tranquille. Il y avait eu des prises d'armes entre Louis de Savoie et la ville de Fribourg. La ville de Berne avait pris parti contre cette dernière, et ce fut en vain que l'on chercha à terminer les difficultés par des traités conclus en 1293. Ces traités ne furent qu'une suspension d'hostilités, et en 1298, les Fribourgeois, assistés de Louis de Savoie et des comtes de Neuchâtel et de Gruyère, dirigèrent une nouvelle attaque contre la ville de Berne. Les progrès de cette dernière ville excitaient l'inquiétude de la noblesse, et celle-ci s'alliait volontiers à la ville de Fribourg, qui dépendait des princes de Habsbourg. Les bourgeois de Berne repoussèrent vaillamment cette nouvelle attaque, et défirent leurs assaillants dans le combat qui eut lieu le 2 mars sur la colline du Donnerbühl près de Berne. Les vaincus laissèrent sur le champ de bataille un grand nombre de morts et plus de 1500 prisonniers. Le nombre de ces derniers étail ordinairement considérable à cette époque, où les hommes d'armes étaient chargés de pesantes armures, qui leur permettaient difficilement de se relever lorsqu'ils avaient été jetés à terre.

Les troubles continuaient dans le Pays de Vaud entre Louis de Savoie, l'évêque de Lausanne, les seigneurs de Cossonay, de Grandson, et les autres représentants de la noblesse mécontente. Une trêve fut conclue le 29 juin 1297, et un traité de paix le 5 juillet 1300. Notre répertoire indique un grand nombre de pièces relatives à cette affaire, qui sont extraites pour la plupart de l'ancien inventaire des archives de Lausanne dressé en 1394. On peut juger, par la lecture de ces extraits, de l'importance de ce document historique, et de la multiplicité des écritures à laquelle on était déjà parvenu à cette époque.

Louis de Savoie mourut à Naples au commencement de l'année 1302. Il laissa le Pays de Vaud à son fils Louis II, dont le règne ne nous a pas laissé beaucoup de souvenirs. Il fut cependant signalé par une entrevue de l'empereur Henri VII et du pape Clément V, qui se réunirent à Lausanne le 11 octobre 1310, et renouvelèrent la cérémonie du serment réciproque, qui avait eu lieu dans la cathédrale en 1275.

En 1316, un nouveau traité de paix intervint entre l'évèque de Lausanne et les princes de Savoie. L'évèque accorda au comte Amédée la moitié de la juridiction temporelle de ses domaines, ainsi que l'avaient déjà fait ses prédécesseurs.

Louis II mourut en 1349, laissant le Pays de Vaud à sa fille Catherine, femme du comte de Namur. Celle-ci le vendit en 1359 au comte Amédée VI, connu sous le nom de comte vert, pour le prix de 160 mille florins de petit poids, et c'est ainsi que cet apanage fit retour aux états de Savoie, dont il avait été détaché en 1285.