SIÈGE VACANT


JANVIER - NOVEMBRE 1287

 


Dans une charte du 16 février 1287, un mois après la mort de Robert, il est fait mention d'un évêque élu de Genève. On ignore le nom de ce prélat, mais il est peu probable que les suffrages du clergé se soient portés alors sur Guillaume de Conflans, car le premier acte qu'on possède de cet évêque est du 25 novembre 1287.

Durant cette vacance du siège épiscopal s'accomplit un événement d'une importance capitale pour l'histoire de la ville de Genève : ce fut la prise et l'occupation par Amédée V de Savoie, du château de l'Ile. Ce château, construit par Aimon de Grandson ([634], art. 8.) appartenait à l'Eglise de Genève, et il avait été destiné à servir de contre-poids à celui du Bourg-de-Four, manoir héréditaire des comtes de Genevois. Il était occupé, à la mort de l'évêque Robert, par deux chanoines qui, dans les divisions intestines du chapitre, s'étaient prononcés en faveur des droits de la maison de Genève et de l'Eglise, contre les prétentions du comte de Savoie. Les chanoines de la faction opposée fulminèrent en vain contre leurs collègues des monitions et excommunications ; elles seraient demeurées sans résultat, si le comte de Savoie n'y avait ajouté le poids des armes temporelles. Après s'être assuré, dans des assemblées de ses partisans qu'il réunit à Saint-Pierre, en janvier et en février 1287, du concours de plusieurs chanoines et d'une partie des citoyens, Amédée entreprit le siège du château de l'Ile et s'en empara dans le courant du mois de juin. Ce succès plaçait ainsi dans ses mains les deux forteresses de Genève, puisqu'il tenait déjà en gage le château des comtes de Genevois. Les efforts des évêques de Genève pour enlever à la maison de Savoie cette position qui commandait le passage du Rhône, ayant dès lors constamment échoué, la prépondérance de cette maison dans Genève peut être considérée comme datant de cette époque.

La prise du château de l'Ile suspendit les hostilités qui, pendant le siège, avaient continué entre les divers princes et seigneurs du voisinage. Dès le mois de juillet, on voit intervenir une série de compromis et de traités de paix perpétuelle entre le comte de Savoie, le Dauphin de Viennois et le comte de Genevois ; mais les intérêts politiques étaient trop divergents pour que des traités de ce genre pussent être autre chose que de simples armistices.

 

 

REG 1247
27.01.1287
27.01.1287
Réquisition faite par Amédée, comte de Savoie, à plusieurs chanoines de Genève, convoqués par lui dans l'église de Saint-Pierre. - " Il y a déjà longtemps que je vous ai requis d'enlever des mains de mes ennemis les châteaux de l'Ile et de Peney, appartenant à l'église de Genève et qui, maintenant comme alors, préjudicient à cette église, à la ville et à moi-même, et de les réduire dans vos mains, en sorte que l'on évite à l'avenir la continuation de ces dommages. Vous savez, en effet, qu'il est intervenu jadis entre moi, d'une part, et le défunt évêque Robert, le chapitre, et les citoyens de Genève autorisés par l'évêque et le chapitre, d'autre part, un traité sanctionné par serment, en vertu duquel l'une des parties ne devait pas offenser ou léser l'autre, ni dans les personnes, ni dans les biens ; mais au contraire l'une des parties devait secourir et défendre l'autre de toutes ses forces, envers et contre tous, comme le tout est plus amplement contenu dans l'acte qui en a été dressé. " - Les chanoines reconnaissent que la réquisition du comte est fondée ; ils ajoutent qu'ils ont promis de faire tout leur possible, en tant qu'hommes d'église, pour recouvrer les dits châteaux, et qu'à cet effet ils ont adressé des monitions à ceux qui les détiennent pour qu'ils eussent à les restituer au chapitre ; ils les ont même excommuniés à cause de leur résistance. - Le comte réplique que si le chapitre ne trouve pas promptement un moyen pour que ces châteaux cessent d'être nuisibles à lui-même, à l'Eglise et à la ville, il les arrachera des mains de ses ennemis et les gardera jusqu'à ce qu'on lui ait remboursé tous les frais faits dans ce but et les dommages causés à lui et aux citoyens de Genève, par le moyen des dits châteaux. - Sur une nouvelle réponse des chanoines portant qu'ils ont fait tout ce qui leur était possible et qu'ils ne peuvent faire davantage, le comte répond de nouveau qu'il s'en charge lui-même et qu'il arrachera ces châteaux des mains de ses adversaires. - Témoins : Guillaume d'Alinge et Guillaume de Septême, chevaliers; Jean, prieur de Yenne ; Guillaume Junius ; etc. L'acte est dressé par Jaques de Vandoeuvres, notaire de la Cour impériale.
Actum apud Gebenn. in ecclesia S. Petri, inter duo altaria, A. D. MCCLXXXVI, die Lune post festum beati Vincencii (v. st.).
M. D. G. t. VIII, p. 232. - Voy. Ibid. p. 112.

REG 1248
16.02.1287
16.02.1287
Nouvelle réquisition adressée par Amédée, comte de Savoie, à plusieurs chanoines convoqués à Saint-Pierre. - Après avoir réitéré la demande qu'ils emploient tous les moyens en leur pouvoir pour faire restituer au chapitre les châteaux de l'Ile et de Penay, occupés par ses ennemis, il ajoute : " Je vous offre de lever le siège que j'ai mis autour du château de l'Ile, pourvu que ce château soit remis au chapitre et que ce dernier me promette qu'il ne servira à faire aucun tort ni à moi, ni à l'Eglise, ni à la cité de Genève ; le chapitre garderait ce château jusqu'à ce que je me sois entendu, au sujet des dépenses que j'ai faites pour le siège, avec l'élu de Genève, quand il aura été confirmé. " - Les chanoines présents répondent qu'ils ont fait déjà tout ce qu'ils pouvaient et ne sauraient faire davantage. Le comte, ajoutent-ils, a bon conseil, qu'il fasse son devoir. - Témoins : Guillaume de Septême, chevalier et bailli en Chablais ; maître Bernard de Belley; maître Guillaume Junius. L'acte est dressé par Jaques de Vandoeuvres, notaire.
Actum apud Gebenn. in ecclesia cathedrali, inter duo altaria, A. D. MGGLXXXVI, indict. XV, decimo quarto Kal. Martii (v. st.).
M. D. G. t. VIII, p. 233. - Voy. Ibid. p. 113.

REG 1249
04.05.1287
03.05.1288
Compte de Guillaume de Septême, châtelain de Chillon et bailli en Chablais et en Genevois, du 4 mai 1287 au 3 mai 1288. - Il ressort de quelques-uns des articles de ce compte que l'arrivée à Genève du comte de Savoie pour le siège du château de l'Ile, eut lieu le 24 janvier 1287, que ce siège dura au moins quatorze semaines, et qu'il se termina par la retraite du chanoine qui commandait le château (in recessu Castellani insule Gebenn.). On voit par un autre article que l'ingénieur chargé du siège s'appelait Accaria, et qu'il lui fut payé 293 livres et cinq sous de Vienne. - Parmi les frais on peut signaler les suivants : 1° l'achat de nombreux bois pour engins, échafauds, beffrois, flèches ; celui de cordes, de fers, de charbon, de soufre, et d'autres objets acquis à Villeneuve, transportés à Genève, et employés soit à être plantés dans le Rhône, soit à faire une bâtie (bastita) à Saint-Gervais, soit à incendier les échafauds existants sur le pont du Rhône ; 2° la solde payée aux arbalétiers et lanciers en garnison (in munitione) à Genève, au nombre de 100 à 120, tantôt plus, tantôt moins, pendant le siège du château de l'Ile; 3° enfin une somme de vingt et une livres et demie payée au nommé Brunet David, de Genève, pour les dépenses faites chez lui par les ambassadeurs de Milan venus auprès du comte de Savoie pendant le même siège. - Parmi les nobles du diocèse de Genève qui ont assisté avec leur suite à ce siège, on trouve : Aimon de Sétenay, châtelain de Genève ; Guillaume de Solier, châtelain d'Alinge-Neuf ; Girod de Rovérée, châtelain de Balaison ; Guillaume de Pontverre ; Aimon, Mermet et Humbert de Grésy; Guillaume et Humbert d'Anières ; Henri de Bons ; Guillaume de Lugrin; Nicolas et Girard de Compeis ; Jean de Flies ; Jean de Blonay ; Rodolphe et Girard de Féterne ; Guillaume de Rovérée ; Reymond de Lullin qui a fourni un cavalier, dont la paye lui a coûté trente livres lausannoises. - Enfin dans les sommes reçues par le bailli, figurent dix livres payées, pour se racheter, par Mermet, neveu d'Anselme, de Genève, qui avait été fait prisonnier.
Non indiqué
M. D. G. t. VIII, p. 233-235. - Voy. Mallet, ibid. p. 114-118, qui estime que la reddition du château de l'Ile eut lieu vers le 24 juin 1287. - Quant aux motifs du comte de Savoie pour s'emparer de ce château et aux noms de ceux qui le défendaient, voyez ci-après les actes du concile de Vienne au 18 octobre 1289.

REG 1250
08.07.1287
08.07.1287
Compromis par lequel Amédée, comte de Savoie, Humbert, Dauphin de Viennois, comte d'Albon et seigneur de la Tour, Amédée, comte de Genevois, Béatrix, dame de Faucigny, et leurs adhérents réciproques nomment arbitres pour faire la paix et terminer leurs différends : Guillaume, archevêque de Vienne; Perceval de Lavagnie, chapelain du pape; Edouard, roi d'Angleterre; et Robert, duc de Bourgogne. Témoins : Gaufred de Clermont, doyen de Vienne ; Guy de Genève, chanoine de Lyon; Nicolas de Billens, professeur en lois; Jaquemet Chevrier, chanoine de Valence et Die ; etc. L'acte est reçu par Rolland de Saint-Michel et Guillaume Benoît de Ballon, notaires.
Actum apud Crisinciacum, Viennensis diocesis, A. D. MCCLXXXVII, die martis post octabas apostolorum Petri et Pauli, indictione decima quarta.
M. D. G. t. XIV, p. 421, n°360.

REG 1251
23.10.1287
23.10.1287
Humbert de Thonon, official de Genève, notifie que Nicholet, de Genève, fils de feu Martin, de Genève, vend à Richard, prieur de Chamonix, pour le prix total de quarante livres de bons (sous) genevois, un muid d'orge de cens annuel qui lui était dû par le dit prieuré, ainsi que deux hommes, avec leur postérité.
Dat. Gebenn. die Jovis post festum sancti Luce evangeliste, A. D. MCCLXXXVII.
M. D. G. t. XIV, p. 194, n° 200.

REG 1252
18.11.1287
18.11.1287
Traité de paix entre Amédée, comte de Savoie, et Humbert, Dauphin de Viennois, ainsi qu'entre le même comte de Savoie et Amédée, comte de Genevois, le tout conclu à Annemasse par l'arbitrage de Guillaume, archevêque de Vienne, et de Perceval de Lavagnie, sous-diacre du pape et vicaire général de l'empire en Toscane. - Les principales stipulations du traité sont : 1° Il y aura entre tous les susdits seigneurs paix perpétuelle pour eux et leurs adhérens. 2° Des mariages seront contractés entre les enfants du comte de Savoie et du Dauphin lorsqu'ils seront parvenus à un âge suffisant. 3° Il y aura, entre ces derniers seigneurs, alliance envers et contre tous ; l'un d'eux ne pourra, pour quelque motif que ce soit, attaquer l'autre ou les siens, que du consentement de deux amis élus en commun pour terminer leurs différends; si l'un d'entre eux vient à mourir laissant un successeur âgé de moins de vingt ans, l'autre devra aider et défendre celui-ci; ils se rendront réciproquement les terres et châteaux pris pendant la guerre ; le Dauphin fera hommage au comte de Savoie pour la seigneurie de la Tour (du Pin) ; enfin chaque partie désignera six de ses barons pour cautions, vis-à-vis de l'autre partie, de l'exécution du présent traité.
Datum Anamasiae Diocesis Gebennensis, die Martis in octabis beati Martini hiemalis, A. D. MCCLXXXVII.
[Valbonnais] Hist. du Dauphiné, II, p. 36.

REG 1253
20.11.1287
20.11.1287
Traité spécial entre les comtes de Savoie et de Genevois, conclu à Annemasse par les arbitres Perceval de Lavagnie et Humbert Dauphin, élus amiables compositeurs entre les dits seigneurs. - Par ce traité, il est stipulé : 1° qu'il y aura paix perpétuelle entre les parties ; 2° que le comte de Genevois rendra hommage à celui de Savoie, comme les prédécesseurs de l'un l'ont fait vis-à-vis des prédécesseurs de l'autre, spécialement pour le château de Charousse ; 3° que le même comte reconnaîtra tenir de celui de Savoie, en augmentation de fief, les châteaux de Grésy, de Cessens et d'Alby, ainsi que la bâtie de Hugues de Grammont ; 4° que, s'il est trouvé que les châteaux de Genève et de Balaison ne sont pas du fief de l'église de Genève, le comte de Genevois reconnaîtra aussi les tenir de celui de Savoie. Il en sera de même au cas où ils seraient reconnus dépendre du fief de la dite Eglise, si l'évêque et le chapitre consentent à ce qu'ils soient tenus en augmentation de fief par le comte de Genevois. Dans tous les cas, le comte de Genevois aidera celui de Savoie des dits châteaux de Genève et de Balaison, sauf les droits de l'évêque et de l'église de Genève.
Datum apud Annemansiam, A. D. MCCLXXXVII, mense Novembris, die Jovis ante festum beatae Catherince Virginis.
[Valbonnais] Hist. du Dauphiné, II, p. 41. - Cibrario et Promis, Doc. p. 215. - Voy. pour la position des châteaux de Charousse [821], de Cessens [262] et d'Alby [1163]. La bâtie de Grammont était en Valromey, décanat de Ceysérieu. Le château de Grésy, dont une très belle tour subsiste encore, était à l'extrémité méridionale du diocèse, soit à une demi-lieue au nord d'Aix, près du confluent du Sierroz avec la Daisse. Quant à celui de Balaison, il était placé sur le coteau de Boisy, à quatre lieues nord-est de Genève, et l'on voit par les termes dn traité qu'il formait un fief dépendant de l'évêque et de l'église de Genève. - L'hommage dont il est question dans cet acte fut prêté par le comte de Genevois le lendemain, vendredi, 21 novembre 1287, à Monthoux (apud Montheolum). Voy. Valbonnais, ibid.

REG 1254
22.11.1287
22.11.1287
Amédée, comte de Genevois, donne à Amédée, comte de Savoie, par trois actes séparés, mais datés tous d'Annemasse le même jour, des garants pour la paix conclue, savoir : Dans le premier acte : Béatrix, dame de Faucigny ; Humbert Dauphin de Viennois ; Jean de Châlons, seigneur d'Arlay ; Humbert, seigneur de Thoire et Villars; Gautier de Montfalcon ; Guy de Montluel, seigneur de Châtillon en Chautagne ; Guy de Bossillon, seigneur d'Arlod; Pierre de la Tour de Châtillon en Valais. - Dans le second acte : Guillaume (de Valence), archevêque de Vienne ; Jean de Genève, évêque de Valence ; Guy de Genève, évêque de Langres ; et Guillaume de Champvent, évêque de Lausanne. - Enfin, dans le troisième acte, les nobles vassaux du comte de Genevois; Richard de Duing et Pierre de Compeis, chevaliers ; Rolet de Duing ; Pierre de Montfort: Hugues de Grammont; Guillaume de Grésy; Jean de Langin; Richard de Pontverre ; Henri de Sallenove ; Guy Vuagnard ; Théobald de Villette; Emion d'Annecy, doyen de Vuillonnex.
Datum apud Anamassiam, die Sabbati ante festum beatae Catherinae, A. D. MCCLXXXVII.
M. D. G. t. XIV, p. 196 et suiv., nos 201, 202 et 203. - Un des actes porte la date : die sabbati ante festum beati Clementis, ce qui indique également le même jour, 22 novembre. - Le dernier garant, Emion d'Annecy, était un des chanoines qui commandaient le château de l'Ile pendant le siège.