ÉPISCOPAT DE FRÈRE HENRI DE BOTTIS


1260 - 1267

 


 

La retraite d'Aimon de Grandson appela le Saint-Siège à faire usage du droit qu'il s'était réservé en 1253 au sujet de l'élection de l'évêque de Genève [863]. Le souverain pontife, par une bulle du 6 mai 1260, annonça au clergé de Genève que son choix était tombé sur Henri, prieur du monastère de Saint-Alban de Bâle, ordre de Cluny. Dans plusieurs chartes en effet des années 1255 à 1260, Henri intervient à Bâle comme chef de ce monastère, mais on ne connaît avec certitude ni son origine, ni ses antécédents; Besson l'appelle Henri de Bottis et dit qu'il avait été prieur de la chartreuse des Portes en Bugey. Quoi qu'il en soit, c'est un simple religieux, probablement étranger au pays, qui remplace sur le siège épiscopal de Genève le prélat issu de la noble famille de Grandson et proche parent des comtes de Genevois [847].

Pendant l'administration de Henri, la situation politique du diocèse ne subit pas de notables changements. Pierre de Savoie, qui devint comte en 1263 et mourut en 1268, continue, avec un succès toujours égal, son oeuvre d'agrandissement au détriment de ses voisins et surtout des comtes de Genevois. En lutte, à la fin de sa vie, avec une troisième génération de ceux-ci, il poursuit sur eux ses avantages et leur enlève de nouveau plusieurs fiefs, tels que Charousse en Faucigny, Arlod et Châtillon en Michaille. Indépendamment de ces conquêtes territoriales, il cherche à consolider son pouvoir en se ménageant l'appui des habitants des villes ; il favorise dans ce but leurs aspirations à la liberté civile et à la vie municipale. C'est vers cette époque qu'il concède à la ville d'Evian ses premières franchises et qu'il négocie avec les citoyens de Genève un projet de traité dont le texte n'a pas été conservé, mais qui paraît avoir été destiné à les soustraire en partie au pouvoir de l'évêque. Celui-ci parvint, le 23 août 1267, à faire résilier ce projet; mais déjà les citoyens avaient pris l'habitude de traiter en commun de leurs intérêts et de leurs droits : on voit quelques-uns d'entre eux se réunir pour faire constater judiciairement, et en opposition avec l'évêque, d'anciennes coutumes de la cité [989].

Henri semble n'avoir point mérité les reproches de négligence et de luxe que l'on adressait à son prédécesseur. On le rencontre incessamment occupé à rétablir la paix entre les divers monastères de son diocèse et les seigneurs laïques dont l'ambition s'était, paraît-il, donné libre carrière aux dépens des droits de l'Eglise. Abandonnant lui-même le palais épiscopal, voisin de la cathédrale, il établit sa demeure, depuis 1262, dans une maison appartenant à l'abbaye de Bonmont et située au-dessous de la ville, sur la rive du lac. Il réunit à ses fonctions épiscopales celles de prieur du couvent de Saint-Victor. C'est enfin pendant son épiscopat que fut établi le couvent des Dominicains à Plainpalais, près Genève. La fondation de ce monastère paraît pouvoir être attribuée à une première donation de terrain faite le 23 février 1263 par Pierre de Savoie ; puis de nombreuses chartes postérieures à cette date permettent de se rendre compte des acquisitions multipliées que durent faire les Frères prêcheurs pour constituer leur domaine.

Le dernier acte dans lequel figure Henri est du 23 août 1267 et le premier que l'on trouve scellé par son successeur est du 12 février 1268. L'obituaire de Saint-Pierre place son anniversaire au 29 septembre, celui de Lausanne au 15 du même mois, et l'un et l'autre de ces nécrologes le qualifient encore d'évêque de Genève ; enfin la liste dite de la Bible de Saint-Pierre porte : vixit et rexit septem amios. L'ensemble de ces données s'accorde ainsi pour placer la mort de Henri en septembre 1267, et pour démentir l'assertion de Besson, d'après laquelle il se serait retiré dans la chartreuse des Portes pour y mourir en 1275.

 

Liste de la Bible de St-Pierre, dans Bonivard, Chron. édit. Dunant, I, p. 185. - Besson, p. 29. - Blavignac, M. D. G. t. VII, p. 41. - Mallet, ibid. II, p 147; VII, p. 238-250, et 252 note; et VIII, p. 161. - Hisely, Comtes de Genevois, p. 72. - Pour Saint-Alban, voy. Neugart, Codex, II, 207, et Trouillat, Mon. II, 77 et 78.