Consortage des Jeurs

 

Les Jeurs/Trient 64

Règlement de l´évêque Jean-Joseph Blatter dans le conflit opposant les gens des Jeurs à la commune de Martigny pour la possession des terres sises à Belle Combe.

1749, 1er novembre. — Martigny, Martigniaci

A. Expédition sur grand cahier de papier, avec sceau épiscopal. Au dos, analyse contemporaine. Cote A. C. Sion « C. 29 ». Les Jeurs/Trient 64.

NOS JOANNES JOSEPHUS BLATTER Dei et apostolicae sedis gratia episcopus Sedunensis, comes et praefectus utriusque Vallesii, Sacri Romani Imperii princeps etc.

Universis quorum interest notum facimus atque manifestum coram nobis die annoque subscriptis in nostro causarum auditorio comparuisse honestos viros Petrum Pont, Michaelem Guez, Claudium Josephum Chappoz, Joannem Michaelem Chappoz, Claudium Guez, Joannem Petrum Vullioz, agentes tum propriis tum laudabilis communitatis Joriarum associatos egregio ac cordato facundo domino locumtenente Odet eorum causae advocato ex una, actores ; et honorabiles viros Jacobum Vouluz sindacum quarti Burgi, Petrum Josephum Gay salthaerum generalem et sindicum quarti Villae, Jacobum Cretton juratum de Trient sindacum quarti Combae, Nicolaum Josephum Aubert juratum et sindacum quarti Charatti Ravoriae et Bastidiae, comitatos egregiis ac cordato domino capitaneo Ganioz, Josepho Ganio castellano et commissario, honestisque viris Petro Vouluz, Martino Aubert, Jaquemodo Gyrard ac Bernardo Pitt juratis nobilis burgesiae Martigniaci, ex altera, defendentes ; [2] causa et ratione quarundem petiarum terrae per limitationes nuperrime inter commissarios serenissimi ducis Sabaudiae etc ex una et dominos deputatos supremi status rei publicae Vallesii factas et conclusas ad Martigniacenses devolutarum et juxta lineam tractam terrae Vallesii incorporatum.

Petentes obideo actores dictas petias terrae a Sabaudis et forensibus amissas sibi in solidum adjudicari tum in compensationem notabilis districtus alpis de Catognéz a feudo mensae episcopalis dependentis per dictam limitationem deperditi et amissi atque Sabaudis devoluti, tum etiam in aliquam indemnisationem sumptuum pro dictis limitationibus habitorum ac factorum super quibus petunt jus et justitiam administrari ; cum protestatione expensarum se se.

Ex adverso praenominatos defendentes actorum petitioni firmiter se opponentes institisse bona sabaudorum in territorio Joriarum a limitibus patriae [3] cytra existentia non modo communitati Joriarum verum toti magnae communitati sive nobili burgesiae Martigniaci fore et esse devoluta, eique adjudicanda, ex eo quod immensos ad limitationes impenderit sumptus pro conservandis et sustinendis Joriarum juribus, nec hominibus Joriarum speciale jus super iis competere aliquamque compensationem maereri, cum ante dictam limitationem cum eorum vicinis hominibus Vallis Ursinae colluserint et bona feudalia in his terris aquirere non impedierint, nec sumptus ad ratam bonorum in favorem dictae communitatis recognitorum proferentium sectoratas quadraginta suppeditaverint, verum defendentes ultra eorum ratam et contingentem portionem supportaverint, concludentes obideo dicta bona toti burgesiae debere esse comunia ; cum protestatione expensarum.

Nos praelibatus episcopus et dominus audita partium expositione animo revolventes dicta bona maxime convenire laudabili communitati Joriarum eisque multoplus commodo ac utilitati esse [4] quam reliquis communitatibus dictae nobilis burgesiae multo remotis, Pierro invocato prius divini numinis auxilio, a quo omne verum et rectum praecedit judicium, decernimus, et bona sequentia, scilicet : unam petiam prati, coenandae et magalis sitam in territorio Joriarum loco dicto en l´isla, seu in Pulchra Combaz inferiori, vulgo en Bella Combaz d´avoz, juxta Aquam Nigram inferius, pascua communia Vallis Orsinae seu terras Sabaudas limite duorum statuum intermedio ab occidente. Item, unam petiam magalis sitam in eodem territorio loco dicto au Cracaux. Item, aliam petiam magalis sitam in Bella Combaz superiori. Item, tres petiolas prati sitas au Molard inclusas in petiis particularibus juxta eorum confines cum aedificiis intrositis, fundis, juribus, ingressibus et egressibus universis et singulis ; hominibus lacud... comunitatis Joriarum adjudicamus, mandantes ut dicta communitas in aliquam compensationem seu sumptuum in limitatione et in promptis peccuniis expedire habeat sumam [4] quadraginta scutorum parvi ponderis, eorumque procuratori egregio domino banderetho Ganioz locumtenenti nostro plenarie satisfaciant, quibus mediantibus pacem inter partes contendentes stabilitam fore speramus expensis (trou dans la page) hinc inde compensatis. Datum decretum nostrum Martigniaci in aedibus praefati domini locumtenentis nostri, die mensis novembris prima anni supra millesimum septingentesimum quadragesimi noni.

Ex decreto praelibati reverendissimi et illustrissimi Sedunensis episcopi.

In quorum.

Jacobus Charuet

curialis episcopalis presentia.

Traduction :

Nous, Jean-Joseph Blatter [1] , par la grâce de Dieu et du siège apostolique évêque de Sion, comte et préfet des deux Valais, prince du Saint Empire Romain, etc.

À tous ceux que cela concerne, savoir faisons et rendons manifeste que devant nous, le jour et l´année ci-dessous écrits, dans notre chambre des affaires (causarum auditorio) ont comparu honnêtes personnes Pierre Dupont (Petrum Pont), Michel Guex (Michaelem Guex), Claude-Joseph Chapot (Claudium Josephum Chappoz), Jean-Michel Chapot (Joannem Michaelem Chappoz), Claude Guex (Claudium Guez), Jean-Pierre Vullioz (Joannem Petrum Vullioz), agissant tantôt en leur nom propres tantôt en celui de l´estimée communauté des Jeurs, associés par éminent et prudent éloquent seigneur lieutenant Odet (Odet) avocat de leur cause, d´une part, accusateurs ; et honorables personnes Jacques Vullioz (Jacobum Vouluz), syndic du quartier du Bourg (quarti Burgi), Pierre-Joseph Gay (Petrum Josephum Gay), sautier général et syndic du quartier de la Ville (quarti Villae), Jacques Cretton (Jacobum Cretton), jurat de Trient (Trient), syndic du quartier de la Combe (quarti Combae), Nicolas-Joseph Aubert (Nicolaum Josephum Aubert), jurat et syndic du quartier de Charrat (Charatti), de Ravoire (Ravoriae) et de la Batiâz (Bastidiae), commis par éminents prudent seigneur le capitaine Ganioz (capitaneo Ganioz), Joseph Ganioz (Josepho Ganioz), châtelain et commissaire, et honnêtes personnes Pierre Voullioz (Petro Vouluz), Martin Aubert (Martino Aubert), Jaquemod Girard (Jaquemodo Gyrard) et Bernard Pitt (Bernardo Pitt), jurats de la noble bourgeoisie de Martigny, d´autre part, défendeurs, par cause et raison de certaines pièces de terre, par les délimitations faites et conclues très récemment entre les commissaires du sérénissime duc de Savoie etc d´une part et les seigneurs députés du suprême état de la république du Valais, dévolues vers les habitants de Martigny et incorporées à la terre du Valais à côté de la ligne tirée.

Les accusateurs demandant pour cela que leur soient adjugées en réalité (in solidum) les dites terres abandonnées par les Savoyards et les étrangers tantôt en compensation du notable district de l´alpage (alpis) de Catogne (Catognéz) dépendant du fief de la mense épiscopale, par la dite délimitation complètement perdu et abandonné et dévolu aux Savoyards, tantôt aussi en quelque indemnisation des frais eus et faits pour les dites délimitations, sur lesquels ils demandent que soient rendus droit et justice, avec protestation des dépenses, etc.

À l´encontre, les susnommés défendeurs, s´opposant fermement à la réclamation des accusateurs, ont dit avec insistance que les biens des Savoyards dans le territoire des Jeurs existants en deçà des limites de la patrie ne sont et n´ont pas été seulement dévolus à la communauté des Jeurs mais à toute la grande communauté ou noble bourgeoisie de Martigny, et qu´ils doivent lui être adjugés par ce qu´elle a déboursé des frais immenses pour les bornages, pour conserver et maintenir les droits des Jeurs, et qu´un droit spécial sur ces biens n´appartient pas aux hommes des Jeurs, et qu´aucune compensation n´est à déplorer, puisque avant la dite délimitation ils se sont entendus frauduleusement avec leurs voisins les hommes de Vallorcine (Vallis Ursinae), et qu´ils ont empêché d´acquérir les biens tenus en fief dans ces terres, et qu´ils n´ont pas fourni aux frais selon la part des biens reconnus en faveur de la dite communauté présentants quarante secteurs, mais que les défendeurs ont supportés au-delà de leur part et de la portion les concernant, concluants pour cela que les dits biens doivent être communs à toute la bourgeoisie ; avec protestation des dépenses.

Nous, susdit évêque et seigneur, rappelant à l´esprit l´exposé entendu des parties, nous décidons que les dits biens conviennent le mieux à l´estimée communauté des Jeurs et qu´ils leur sont beaucoup plus commodes et utiles qu´aux autres communautés de la dite noble bourgeoisie, beaucoup éloignées, ayant invoqué plus tôt l´aide de la puissance divine, d´où procède tout vrai et droit jugement ; et les biens suivants, à savoir une pièce de pré, ?? et ?? sise sur le territoire des Jeurs au lieu dit en l´île (en l´isla), soit en bas de Belle Combe (Pulchra Combaz), en langue vulgaire en Belle Combe d´avoz (en Bella Combaz d´avoz), à côté de l´Eau-Noire (Aquam Nigram) en bas, des pâturages communaux de Vallorcine ou des terres savoyardes à la limite intercalée des deux états à l´ouest. De même, une pièce de magalis sise sur le même territoire au lieu dit aux Cracaux (au Cracaux). De même, une autre pièce de magalis sise en haut de Belle Combe (Bella Combaz). De même, trois petites pièces de pré sises au Molard (au Molard) incluses dans les pièces des particuliers, à côté de leurs confins, avec les bâtiments qui s´y trouvent, fonds, droits, toutes et chacunes de leurs entrées et sorties : nous les adjugeons aux hommes de la communauté des Jeurs, mandant que la dite communauté ait à dégager en compensation ou frais dans la délimitation, et en promptes pécunes, la somme de quarante écus de petit poids, et de s´en acquitter complètement auprès de leur procureur éminent seigneur banneret Ganioz, notre lieutenant, moyennant quoi nous espérons que sera consolidée la paix entre les parties rivales, les dépenses ça et là ayant été compensées.

Donné notre décret à Martigny (Martigniaci) dans la demeure du susdit seigneur notre lieutenant, le premier jour du mois de novembre de l´année sept cent quarante neuf après le millénaire.

Du décret du susdit révérendissime et illustrissime évêque de Sion.

In quorum.

Jacques Charuet (Jacobus Charuet), secrétaire de la cour épiscopale.



[1] Jean-Joseph-Arnold Blatter, évêque de Sion de 1734 à 1752.