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TIROIR 9 PAQUET QUATRIEME
Reconnoissances générales de Bagnes
9/4/1
Reconnoissances générales de Bagnes
Original
1399
Reconnoissance en faveur de l'abbé touchant la
seigneurie de la vallée
Les sindics de Bagnes tant à leurs noms qu'à ceux des autres hommes
de ladite paroisse reconnoissent :
1° Que lorsque le comte de Savoye [Savoie] est hors d'entre le Mont Jou
[Mont-Joux] et le lieu de Bret, l'abbé est seigneur de la vallée
de Bagnes, et quand le même comte est entre le Monjou et Bret, ledit comte
est seigneur de ladite vallée, sauf le droit du métral et du vidame
de dite vallée et exceptant aussi les six abbergements des excusés
(Voyés les nommés ci-dessus: Traittés avec la Maison de
Savoye, N° 5), lesquels abbergements appartiennent à l'abbé
en quel tems que ce soit ;
2° Que les hommes de la vallée tiennent de l'Abbaye les forêts
noires, les paquiers communs et le cours de la grande eau, et que ces choses
appartiennent à ladite Abbaye lorsque le comte est hors de l'Entremont
;
3° Que tous les hommes de la vallée, exceptés les nobles,
doivent à l'abbé et aux siens quand il est dans la vallée
le fourrage tant en foin qu'en paille, pour les nécessités des
chevaux et de sa maison ;
4° Que les hommes de l'abbé habitant dans la vallée de Bagnes
doivent payer an comte quand il est dans les prédits confins, et à
l'abbé, à tous les deux lorsqu'ils s'accordent ensemble, le secours
à la miséricorde desdits seigneurs, excepté en l'année
où ils vont à la cavalcade pour ledit comte ;
5° Que lesdits hommes de l'abbé doivent lui payer annuellement 25
deniers mauriçois qu'ils devoient autrefois au comte pour la manoeuvre
de Chillon, et cédés à l'Abbaye par le comte Aimon par
aûmone et pour l'âme du comte Edouard (voir Legs pieux N° 39)
;
6° Que les hommes du major de Monthey en ladite vallée doivent 10
sous annuels audit abbé et ceux du seigneur Joczerand et de son frère
5 sous, dus autrefois pour la même raison auxdits comtes ;
7° Que lesdits hommes du ressat ou reçue de l'abbé lui doivent
pour taille chaque année au mois de mai 7 livres mauriçoises et
au mois d'octobre 100 sous mauriçois, laquelle taille ils doivent lever
eux-mêmes selon leurs facultés particulières.
On joint ici sous le même N° 1 un ancien extrait en parchemin de l'année 1386 d'une reconnoissance faite par les Bagnards en faveur du comte à ce qu'il paroît, contenant à peu près les mêmes articles auxquels elle en ajoute deux : l'un de la cense de 13 sous due par les hommes de l'abbé au comte pour le charnage et l'autre de 30 sous annuels pour libre comerce des denrées des Bagnards.
Voir aussi Charléty, Liber III, p. 458
2 documents cotés :
CHA 9/4/1~01
CHA 9/4/1~02
<page 152>
9/4/2
Reconnoissances générales de Bagnes
Copie signée
1500
Les hommes de Bagnes et surtout de Villeta [Villette] et de Fontaneles [Fontenelle] reconnoissent que l'abbé de Saint-Maurice est, à cause du vidomnat de Bagnes, plein seigneur de la vallée de Bagnes, depuis le pont de Saint-Pancrace ou de Sambrancher [Sembrancher] jusqu'à la fenêtre des Oyaces, soit que l'évêque de Sion en place du duc de Savoye [Savoie] se trouve présent entre le Montjou [Mont-Joux] et Bret ou non, et cela pendant deux mois de chaque anée, savoir en mai et en octobre. Ensuitte, lesdits hommes désignent divers bans imposés en faveur de l'abbé contre ceux qui occupent divers chemins, embarrassent divers chabloz et n'assistent pas ou troublent ou se retirent du plait général avant qu'il soit fini, le tout bien spécifié dans l'acte que l'on peut voir.
1 document coté :
CHA 9/4/2
9/4/3
Reconnoissances générales de Bagnes
Copie légale
1541
Reconnoissance générale des hommes de Bagnes prêtée à l'abbé Barthélemi Sostion en tout conforme à celle cotée ci-dessus N° 1 [9/4/1], excepté que dans les 2 premiers et le quatrième articles, lesdits hommes substituent les noms de l'évêque de Sion et des seigneurs patriotes en place de celui du comte de Savoye [Savoie].
2 documents cotés :
CHA 9/4/3~01
CHA 9/4/3~02
9/4/4
Reconnoissances générales de Bagnes
Copie simple
1545
Plait général surtout des hommes de Villeta [Villette] et Fontanelles [Fontenelle] touchant le vidonat de Bagnes en faveur de même abbé Sostion [Barthélemy Sostion] conforme en tout à celui coté plus haut N° 2 [9/4/2].
Copie extraite de la grosse de Bagnes 1543, fol. 291, etc.
1 document coté :
CHA 9/4/4
9/4/5
Reconnoissances générales de Bagnes
Copie simple
1592-1594
Il s'est prêté à Bagnes une reconnoissance générale en 1594 à l'abbé de Riedmatten [Adrien de Riedmatten] en tout semblable aux précédentes de 1399 et 1541, cottées plus haut N° 1 et 3 [9/4/1 et 9/4/3] et une autre touchant le vidomnat de Bagnes conforme aux précédentes de 1500 et 1545, cotées plus haut N° 2 [9/4/2] et 4 [9/4/4].
Voyez-en des extraits cottés ici N° 5.
Touchant le vidomnat de Vollège, voir supra Vidomnat de Bagnes, N°
4 [9/1/4] et infra Viances des communs de Bagnes, N° 2 [10/4/2].
1 document coté :
CHA 9/4/5
9/4/6
Reconnoissances générales de Bagnes
Copie simple
1540
Reconnoissance des hommes de Bagnes et de Vollège
[Vollèges] en faveur de LL. EE. les seigneurs patriotes du Vallais [Valais],
par laquelle lesdits hommes confessent :
1° Qu'ils leur doivent la fidélité et l'obéissance
soit au seigneur gouverneur député par eux dès la Morge
en bas à raison de la guerre, comme les autres patriotes d'en-bas de
la Morge, et cela en place de la cavalcade qu'ils devoient autrefois chaque
année pendant un mois à leurs frais aux ducs de Savoye [Savoie]
;
2° Comme ancienement ,lorsque le duc de Savoye se trouvait [entre] le Saint-Bernard
[Grand-Saint-Bernard] et Bret, il étoit seigneur de la vallée
de Bagnes, et que les forêts noire, les paquiers communs et le cours de
la grande eau lui appartenoient, réservé le droit du vidame et
du métral, mais que ledit prince étant absent desdits confins,
toutes les choses susdites, sauf ladite cavalcade, appartiennent à l'abbé.
Lesdits hommes confessent que LL. dites EE. ont succédé aux susdits
droits du duc, à teneur cependant de la transaction passée entre
elles et l'évêque Jost [Jean Jodoc Quartéry] ;
3° Ils confessent que LL. EE. ont pareillement succédé au
droit qu'avoit le duc de Savoye de lever un subside sur les hommes de la vallée
d'un commun consentement avec l'abbé quand il étoit dans l'Entremont,
excepté en l'année où ils allaient à la cavalcade,
à teneur cependant aussi de ladite transaction ;
4° Ils reconnoissent devoir à LL. EE. 30 sous chaque année
pour la liberté de vendre leurs marchandises où ils veulent, accordée
le comte Edouard [Edouard de Savoie] en 1328 avec une réserve pour le
jeudi, jour du marché de Sambrancher [Sembrancher], etc. (voir infra);
5° Qu'ils leur doivent annuellement 26 sous pour le charnage ;
6° Que les hommes du seigneur de Granges leur doivent annuellement 6 gros
pour la garde ;
7° Que ceux qui doivent des censes à LL. EE., les doivent aller payer
à leurs dépends au châtelain de Sambrancher ou à
son recouvreur.
On cote sous ce même nombre 6 un papier contenant des extraits de quelques reconnoissances semblables et postérieures dans lesquelles, outre le droit du vidame et du métral, on excepte aussi de la juridiction du prince lorsqu'il est dans l'Entremont, les 6 abbergements de l'abbé rière Bagnes mentionnés ci-dessus Traittés avec la Maison de Savoye, N° 5 [8/1/5]. C'est M. le gouverneur Roten qui a fourni ces extraits, à la fin desquels il remarque qu'un abbé ne doit pas tenir les assises à Bagnes avant que d'avoir reçu l'investiture de l'Etat.
1735
Dernière reconnoissance des hommes de Bagnes en faveur de l'abbé Charléti [Louis Nicolas Charléty] conforme à celle de 1399 (supra, N° 1 [9/4/1]) quant aux 4 premiers articles. Cette dernière y ajoute les reconnoissances du droit du vidomnat, de la métralie, des chemins et chabloz. Ensuitte, ils reconoissent devoir à l'Abbaye les moutons ou brebis et grains suivant les conventions générales faites entre eux et ladite Abbaye.
Voyez ci-après page 71. Cette reconnoissance est couchée dans une espèce de grosse de Bagnes et Vollège [Vollèges] fol. 10.
2 documents cotés :
CHA 9/4/6~01
CHA 9/4/6~02
<page 154>
Observations sur les prétendus droits temporels des évêques
de Sion
rière la vallée de Bagnes
Il doit d'abord passer pour incontestable que pendant
au moins tout le tems que les comte et successivement les ducs de Savoye [Savoie]
ont régné sur le bas Vallais [Bas-Valais] et particulièrement
dans l'Entremont, les évêques de Sion n'ont jamais, en quelle qualité
que ce soit, exercé ni prétendu aucun droit de juridiction ou
seigneurie temporelle sur la vallée de Bagnes (car quand à la
juridiction spirituelle, elle ne leur a jamais été contestée),
comme il conste spécialement par deux actes solennels de 1198 et 1219,
cottés plus haut Traittés avec la Maison de Savoye, N° 4 [8/1/4]
et 5 [8/1/5], où il s'agissoit du partage de droits de seigneurie sur
la vallée de Bagnes entre le comte et l'abbé et où cependant
les évêques de Sion Nantelme [Nantelme d'Ecublens] et Landri [Landri
de Mont], qui y assistaient, n'ont pas fait la moindre réserve de leurs
droits sur ladite vallée, à quoi ils n'auroient pas manqué
s'ils en avoient eu à prétendre.
Les évêques de Sion ne peuvent donc prétendre des droits
temporels sur la vallée de Bagnes qu'en conséquence du dernier
changement de domination dans ladite vallée, c'est-à-dire comme
cause ayants des ducs de Savoye, qualité qu'ils auroient acquise soit
solidairement et pour eux seuls par leur souveraineté prétendue
indépendante sur au moins la vallée de Bagnes en place des ducs
de Savoye, ou par la cession volontaire des 7 LL. dizains, soit en commun avec
lesdits dizains comme étant au moins les premiers membres ou chefs nés
du conseil général de l'Etat souverain.
Si les évêques de Sion ne prétendent succéder aux
droits des ducs de Savoye sur la seigneurie temporelle de Bagnes que sans le
dernier sens, je veux dire, que conjointement avec les LL. dizains et comme
composants un seul coprs souverain avec eux, l'Abbaye auroit sans doute tort
de leur contester aucun desdits anciens droits bien bien avares des susdits
princes. Mais s'ils prétendent avoir succédé à tous
ces droits pour eux seuls et privatiment auxdits 7 dizains, soit comme seuls
souverains de Bagnes en place desdits ducs, soit comme leur ayant été
cédés, ces droits, par les dizains, il reste trois questions à
examiner savoir :
1° Si lesdits évêques ont effectivement succédé
à tous les droits des ducs de Savoye sur la vallée de Bagnes;
2° Si par leurs traittés avec les abbés en 1481 et 1501 ils
ont pu s'arroger d'autres nouveaux droits sur ladite vallée au préjudice
lesdits abbés;
3° Si même encore actuellement ils sont fondés à en
prétendre qui n'ayent jamais été réservés
ni par lesdits évêques ni par les ducs de Savoye.
1° Les évêques de Sion ont-ils succédé à
tous les droits des ducs de Savoye sur la vallée de Bagnes?
Selon le traitté de 1219, entre le comte Thomas [Thomas
de Savoie] et l'abbé Aimon [Aimo], confirmé en 1415 et 1442 par
les ducs Amédée [Amédée VIII] et Louis [Louis de
Savoie] (vide Traittés avec la Maison de Savoye, N °5 [8/1/5] et
14 [8/1/14]), tous les droits des ducs de Savoye sur Bagnes consistent:
1° A avoir en tout tems <page 155> les cavalcades, les manoeuvres
pour le château de Chillon, 27 sous pour le charnage et 12 muids de blé
;
2° Au droit de lever un subside sur les hommes de la vallée de concert
avec l'abbé et de son consentement, pour se le partager ;
3° A être seigneur de la vallée et à avoir les chasses,
les étrangers habitant, les forêts noires, les bans, les justices,
les franeries, les pasquiers etc. quand ledit comte se trouvait entre le Monjou
[Mont-Joux] et Bret, quand il étoit hors desdits confins, l'abbé
avoit tout cela.
Les témoins examinés en 1398 (vide ibidem
N° 13 [8/1/13]) déclarèrent qu'outre les cavalcades etc.,
ledit comte avoit en tout tems les appellations, les usuriers, les protocoles
des notaires mourant dans la vallée et le péage des bêtes
qui se vendoient. On ne voit point d'autres preuves de ces derniers droits dans
les traittés, sauf celui de peiner les usuriers, qui semble autorisé
dans l'acte cotté ibidem N° 11 [8/1/11]. Tels étoient, tout
au plus, les anciens droits des souverains de Savoye sur la vallée de
Bagnes, surtout vis-à-vis des abbés. Or les évêques
de Sion ont-ils succédé auxdits princes dans tout ces droits pour
eux seuls et privativement à tout autre ?
1° Lesdits évêques n'ont pas succédé seuls auxdits
princes en ce qui concerne la cavalcade ou affaires de guerre, droit qui est
cependant un des plus essentiels fleurons de la souveraine puissance: dans le
traitté avec l'évêque Valther [Walter Supersaxo] en 1481
(N °9 [8/2/9]), ce droit est réservé aux seigneurs patriotes
conjointement seulement avec les évêques. Le traitté avec
l'évêque Matthieu Schiner en 1501 (N° 12 [8/2/12]) réserve
à la vérité ce droit en faveur des seuls évêques;
mais les seigneurs patriotes se sont toujours fait reconnoître par les
hommes de Bagnes et de Vollège [Vollèges] comme ayants succédé
seuls en ce droit aux ducs de Savoye (vide art. praec., N° 6), et d'ailleur
l'usage est constament en leur faveur sur ce point;
2° Les manoeuvres pour le château de Chillon ne se trouvent point
réservées aux évêques dans les susdits traittés
de 1481 et 1501. Il y a apparence que celles pour le château de Saint-Maurice
en faveur de LL. EE. ont pris leur place;
3° Soit l'évêque Valther, soit l'évêque Matthieu
disent dans leurs dits traittés que les usages autrefois dus aux ducs
de Savoye leur appartiennent, mais conjointement seulement avec les seigneurs
patriotes. Encore cela n'a-t-il pas lieu puisque les hommes de la vallée
(vide Reconnoissances générales de Bagnes, N° 6 [9/2/6]) les
reconnoissent devoir uniquement auxdits seigneurs;
4° Lesdits deux évêques se réservent à la vérité
dans ces traittés à eux seuls conjointement avec l'abbé
de pouvoir lever un subside sur la vallée; mais outre que cela n'a jamais
eu lieu depuis, les reconnoissances générales des Bagnards en
faveur de l'abbé attribuent ce pouvoir tant aux seigneurs patriotes qu'aux
évêques. Bien plus, leurs reconnoissances en faveur de LL. EE.
disent qu'elles ont seules succédé à cet ancien droit des
ducs, à teneur cependant de la transaction passée entre elles
et l'évêque Jost [Jean Jodoc Quartéry] (vide art. praec.,
N° 1, 3, 5 et 6);
5° Pour ce qui regarde la qualité de seigneur de la vallée
de Bagnes, en laquelle les évêques prétendent aussi dans
les susdits traittés de 1481 et 1501 avoir seuls succédé
aux ducs de Savoye lorsqu'ils étoient dans l'Entremont ou plus amplement
ce qu'on en peut penser à l'article suivant Juridiction de Bagnes. En
attendant, <page 156> on se contente de remarquer ici que les reconnoissances
générales de Bagnes ne s'expliquent pas moins clairement en faveur
des seigneurs patriotes sur cet article que touchant le précédent,
savoir sur le droit d'imposer un subside sur la vallée (vide art. praec.
in iisdem novis);
6° Lesdits évêques dans leurs traittés ne se sont pas
seulement réservé les appellations en dernier ressort touchant
les procès dans les causes civiles entre les hommes de la vallée
de Bagnes, quoique les traittés avec la Maison de Savoye ne fassent aucune
mention de ce droit en faveur des ducs, comme on l'a déjà observé;
mais ils s'y sont même réservé la qualité de juge
ordinaire et sans appel ultérieur touchant les difficultés à
naître entre les abbés et leurs juridictionaires de la vallé,
tant en général qu'en particulier, quoiqu'on ne voye nulle part
que les ducs aient jamais pensé à s'attribuer ce dernier droit.
Deux nouveaux articles au regard desquels les susdits traittés de 1481
et 1501 sont annullés et devenus caducs non seulement en vigueur des
statuts du pays, mais par une observance entièrement contraire ayant
constamment été la coutume soit dans les difficultés entre
les Bagnards et ceux de Vollège [Vollèges] entre eux, soit dans
leurs difficultés générales ou particulières avec
les abbés de recourir quand les parties l'ont voulu en dernier ressort
devant les diettes générales des 7 dizains, comme on en peut voir
grand nombre d'exemples dans ces nottes. Voyés surtout ci-après
Franchises de Bagnes, N° 6 [10/1/6], 10 [10/1/10], 11 [10/1/11], etc.
7° Quand aux deux droits d'avoir les protocolles des notaires décédés
dans la vallée et de punir les usuriers, on se contente de remarquer
que le second n'a jamais rien signifié dans le pays, le crime de l'usure
y étant presque inconnu et pour ce qui concerne les protocolles de notaires,
on peut dire que l'évêque les a, non précisément
comme cause-ayant des ducs de Savoye, mais comme ayant l'administration de la
justice dans tout le pays surtout pour le civil et des sentences duquel il n'y
a d'appel que devant le conseil général du pays. Vide art. seq.
versus finem.
De tout ce que l'on vient de'exposer, il suit d'abord:
1° Que les évêques de Sion n'ont succédé rière
Bagnes au moins pour eux seuls à presque aucun des anciens droits des
ducs de Savoye [Savoie];
2° Que les traittés de 1481 et 1501 n'ont et n'ont jamais en aucune
force, non seulement parce que la plupart et les plus importants de leurs articles
n'ont jamais eu lieu, tels que sont le subside sur la vallée et les appellations
en dernier ressort, mais surtout parce qu'ils supposent manifestement pour leur
fondement la souveraineté des seuls évêques de Sion dans
le pays de Vallais [Valais], ne convenant en effet naturellement qu'à
un souverain dans un changement de domination de succéder aux droits
du souverain dépouillé de son Etat, supposition cependant bien
ruineuse et d'autant moins solidement établie que soit les abbés
dans leur traitté de 1571 avec LL. EE. et lorsqu'il s'est agi de prendre
possession de leurs juridictions soit les hommes de la vallée dans leurs
reconnoissances et autres difficultés ont prêté serment
de fidélité et recouvre comme à leur vrai souverain non
aux évêques seuls, mais au conseil général des seigneurs
patriots du Haut Vallais [Haut-Valais], comme on en verra encore nombre de preuves
cy après.
Si donc les évêques jouissaient encore aujourd'hui rière
Bagnes de quelques-uns des anciens droits des ducs de Savoye, ce ne pourroit
être qu'en vertu des cessions que leur en auroient fait lesdits seigneurs
patriots par leurs traittés avec les évêque Jost, Matthieu
Schiner, etc.
<page 157>
2° Les évêques de Sion ont-ils pu s'arroger par leurs susdits traittés avec les abbés d'autres droits rière Bagnes que ceux qu'y avoient les ducs de Savoye?
Il paroît que l'on doit répondre négativement
à la question présente:
1° L'évêque Valther [Walter Supersaxo] et les 7 dizains ont
réintégré l'abbé en 1479 (vide supra Traittés
avec l'évêque et l'Etat, N° 6 [8/2/6]) dans tous les droits
qu'il possédoit rière Bagnes du tems des ducs de Savoye; d'ailleurs,
c'estoit là une des conditions de la ligue faite contre le duc de Savoye
(vide ibidem N° 1 [8/2/1] et sub N° 1). Le même évêque
et ses successeurs ont-ils jamais été en droit de donner atteinte
à des engagements si solennels toujours saintement respectés par
lesdits LL. dizains en se réservant des droits nouveaux qui n'avoient
jamais été contestés aux abbés;
2° Il est vrai que lesdits abbés ont donné les mains à
ces innovations, mais le Chapitre de l'Abbaye n'est jamais intervenu ni donné
son consentement au premier de ces traittés, l'approbation du Saint-Siège
n'a jamais été réservée ni obtenue ni pour l'un
ni pour l'autre, quoiqu'elle fût absolument nécessaire dans des
choses de cette conséquence. Ainsi ces deux traittés sont nuls
par défaut de pouvoir du côté d'un des contractants;
3° Le Chapitre de Sion n'étant point non plus intervenu au premier
de ces traittés, il doit être censé nul soit par cette raison,
soit parce qu'il étoit insuffisant et qu'il lésait les droits
de l'abbé comme le remarque le second traitté. Or ce second traitté
de 1501 est encore plus nul à défaut de pouvoir que le premier
de 1481. On y transige à l'insu des 7 LL. dizains touchant plusieurs
droits du souverain. L'évêque s'y attribue à lui seul contre
les traittés précédents le titre de haut prince, tous les
droits régaliens, le droit de lever un subside avec l'abbé et
de faire grâve aux criminels condamnés à mort, que dis-je,
la cavalcade même. Or qui ne voit qu'un tel traitté, où
l'un des contractant s'attribue des droits sur lesquels l'autre n'a rien à
voir, dont les uns n'ont jamais été expressément prétendus
par les ducs de Savoye et dont les autres, selon les conventions précédantes,
appartenoient en entier ou au moins en comun aux seigneurs patriotes, et cela
sans aucune intervention ni consentement de ceux-ci, qui ne voit, dis-je, qu'un
tel traitté tombe de lui-même et ne peut subsister? Aussi voit-on
que ce traitté n'a point eu lieu et que les LL. dizains l'ont toujours
envisagé comme non avenu en tant que contraire à leurs droits.
On peut revoir ici les reconnoissances générales de Bagnes;
4° La 4ème raison de nullité contre ces deux traittés,
et surtout contre le deuxième, est qu'ils contiennent dans les nouveaux
droits que l'évêque s'y arroge une lésion énorme
contre l'Abbaye. L'évêque s'y arroge toutes les mines et minéraux
rière Bagnes ce que les ducs de Savoye n'avoient jamais fait, et on prouvera
même ci-après qu'ils appartenoient à l'Abbaye, art Mines
rière Bagnes. L'évêque s'y attribue de plus les forêts
et les decours des eaux et cependant, selon les Traittés avec la Maison
de Savoye, N° 5 [8/1/5] et 14 [8/1/14] et Reconnoissances générales
de Bagnes, N° 1 [9/2/1], 3 [9/2/3] et 5 [9/2/5] ces deux droits appartenoient
aux abbés, le prince étant hors de l'Entremont. On en verra d'autres
preuves ci-après, art. Décours des eaux et forêts noires.
L'évêque s'y réserve enfin que les abbés seront obligés en tems de guerre d'établir un châtelain du Haut Vallais [Haut-Valais] et y fait promettre à l'abbé et à son Chapitre qu'ils jureront la fidélité à lui et au vénérable Chapitre de Sion. Or ces servitudes n'avoient jamais eu lieu par le passé. L'Abbaye ne prêtait pas même la fidélité aux ducs de Savoye, aussi ne l'a-t-elle jamais prêtée dans la suite aux évêques et Chapitre de Sion en particulier. Pour ce qui est de l'établissement du châtelain, si les abbés les ont ordinairement choisis dans le Haut Vallais, ce n'est pas en conséquence de ces traittés, mais pour d'autres raisons à eux connues.
<page 158>
L'évêque Matthieu Schiner sentoit lorsqu'il
engagea l'Abbaye à passer le dernier des susdits traittés combien
elle en étoit lésée, puisque pour dédommager en
quelque sorte de ce qu'il la faisoit ainsi renoncer à ses droits, il
lui léga le même jour une pension annuelle de 100 florins du Rhin,
redimable cependant pour 2000 florins (vide Traittés avec l'évêque
et l'Etat, N° 13 [8/2/13]). Mais cette donation ne rend pas ce traitté
plus valide, soit parce qu'on ne voit pas qu'elle ait été remplie,
soit parce qu'il ne dépendoit pas de l'abbé et du Chapitre d'aliéner
pour une somme ou une pension passagère de sa nature des droitures considérables
et perpétuelles et de se soumettre à diverses servitudes, soit
enfin parce que cette prétendue cession de l'Abbaye arrachée par
adresse, par force ou par belles promesses n'a jamais été en général
mise en exécution.
On peut encore ranger au nombre de ces nouveaux prétendus droits des
évêques dans les susdits traittés la punition des faussetés
qu'ils n'y ont pas oublié, quoique les princes des Savoye [Savoie] ne
se fussent jamais réservé ce droit qu'ils aient au contraire attribué
aux abbés hors dans le tems qu'ils se trouvoient eux-mêmes dans
l'Entremont, tous les bans et punitions sans distinction, et qu'il paroisse
que la punition des faussetés appartient de droit à la haute juridiction,
quand ce crime n'attaque pas le souverain même.
Il paroît que ce qui a trompé et qui trompe encore les évêques
de Sion en tout ceci est qu'ils se sont imaginé que tous les droits qu'ils
ont prétendu et prétendent contre les abbés rière
Bagnes sont des droits régaliens inséparables de la souveraineté,
lesquels ayant par conséquent essentiellement appartenu aux comtes et
ducs de Savoye doivent nécessairement leur être parvenus par le
changement de domination comme à leurs légitimes successeurs dans
la souveraineté rière Bagnes.
Mais quand ce qu'ils supposent ici, savoir que les évêques de Sion
ont succédé pour eux-mêmes à tous les droits attachés
à la souveraineté des ducs de Savye rière la vallée
de Bagnes seroit aussi vrai qu'il est faux selon ce que l'on a dit jusqu'ici:
quand même on seroit obligé d'admettre que tous les droits prétendus
par les évêques rière Bagnes sont proprement des droits
de régale (regala jura) ce qu'on leur nie absolument et qu'on leur deffie
de prouver; il ne s'en suivroit pas qu'ils n'ayent pas appartenu du tems de
la Savoye et qu'ils n'appartiennent encore aux abbés.
En effet, les forêts noires et les décours des eaux sont des droits
expressement prétendus en tout tems par les évêques dans
le traitté de 1501 et cependant, selon les Traittés avec la Maison
de Savoye (supra N° 5 [8/1/5] et 15 [8/1/15]), ils appartenoient incontestablement
aux abbés, le prince étant hors de l'Entremont. Le pouvoir de
lever un subside ou un tribut conjointement et par égales portions avec
un autre sur toute une vallée aussi bien, de même, que celui de
faire grâce de la vie à des criminels condamnés à
mort paroissent bien être des droits de régale, et cependant les
traittés mêmes de 1481 et 1501 attribuent ces droits aux abbés
conjointement avec les évêques.
Ces exemples suffisent pour faire voir que les traittés avec les souverains de Savoye leur ont attribué certains droits spécifiés sur la vallée de Bagnes quand ils étoient dans l'Entremont ou dehors que ces droits fussent régaliens ou non et que les autres, régaliens ou non, demeuroient aux abbés selon les mêmes traittés et qu'ainsi la distinction de droits régaliens d'avec les autres ne signifie rien en ce fait et n'empêche point que les abbés ne jouissent encore de leurs anciens droits rière la vallée de Bagnes vu surtout qu'ils y ont été réintégrés par LL. EE. en 1479 sur le même pied qu'ils la possédoient de tems des ducs de Savoye, et comme ils ont promit de les y maintenir en 1571 ainsi qu'on l'a déjà observé plus haut.
<page 159>
3° Les évêques de Sion sont-ils encore actuellement fondés à prétendre des droits rière Bagnes qui n'ont été réservés ni par les Princes de Savoye, ni par les traittés avec lesdits évêques?
Quelques évêques l'ont cru par rapport aux
successions des bâtards mourants sans enfans et aux punitions des incestes
et adultères. Le moderne seigneur évêque paroît aussi
être dans la même idée et peut-être même ne seroit-il
pas éloigné de prétendre les successions des étrangers.
Voici apparemment le raisonnement sur lequel ils se fondent: suivant les traittés
de 1481 et surtout de 1501, tous les droits régaliens appartiennent aux
évêques rière Bagnes; or, les susdites successions et punitions
sont des droits régaliens donc etc.
C'est aux jurisconsultes du pays à faire voir, s'il étoit nécessaire,
la fausseté de la seconde proposition de ce raisonnement. Quand à
la première, il n'y a qu'à se rappeler ce que l'on vient de dire
sur la nullité, l'injustice et l'inexécution des susdits traittés
en général et particulièrement en ce qui concerne l'article
des droits régaliens en question. A quoi on peut ajouter ce dilemme:
ou les susdits droits prétendus par les évêques sont des
droits de régale essentiellement attachés à la vraye souveraineté,
ou non. Dans ce second cas, comme ils n'ont jamais été réservés
d'ailleurs ni par les princes de Savoye, ni par les évêques, ils
doivent naturellement appartenir à celui qui a le droit de haute et omnimode
juridiction rière Bagnes et, par conséquent, à l'abbé
qui en est seul en possession, au moins lorsque le prince est hors de l'Entremont,
comme on l'expliquera à l'article suivant. Dans le premier cas, les susdits
droits appartiennent non à l'évêque en particulier (pas
même en qualité de préfet du Vallais [Valais], qui de sa
nature ne signifie qu'un espèce de gouverneur commandant au nom du souverain
et exclut par conséquent le droit de vrai souverain en celui qui en est
revêtu, mais au conseil général des seigneurs patriots du
Haut Vallais que l'abbé, les hommes de Bagnes et tout le Bas Vallais
[Bas-Valais] sont obligés et en usage de reconnoître comme leur
vrai souverain en place des princes qui y régnoient ci-devant.
Mais ce qui anéantit toute difficulté à ce sujet, c'est
le possessoire constant où ont toujours été et sont encore
les abbés de percevoir lesdites successions des illégitimes et
étrangers et de punir les incestes et adultères, comme on se réserve
de le faire voir cy-après en détail et ce qui servira en même
tems de réponse à l'article des statuts sur lequel les évêques
prétendent s'appuyer touchant la succession des bâtards, article
que l'on démontrera d'ailleurs en même tems ne pouvoir porter aucun
préjudice au droit des abbés.